Au cœur de l’Hérault, le jardin méditerranéen de Roquebrun est labellisé jardin remarquable. C’est une association qui est à l’origine de sa création en 1985 et poursuit un projet en plusieurs volets : mise en valeur de la flore méditerranéenne, présentation de plantes exotiques, travaux de recherches en collaboration avec l’université.
Christophe Pialot est directeur du CADE qui est le Collectif Agricole pour le Développement et l’Environnement, collectif qui et a créé ce fabuleux jardin méditerranéen de Roquebrun qui couvre aujourd’hui 4 hectares. Et il continue à s’étendre !
“C’est une histoire qui remonte aux années 80. Beaucoup de gens sont venus s’installer dans l’arrière-pays et venaient de divers horizons. Et on a créé une formation professionnelle pour adultes avec dans l’idée de mener une étude socio-économique. Sous l’impulsion à l’époque d’un élu écologiste – c’était les prémices de l’écologie et moi, j’étais étudiant, je militais pour Génération Écologie – qui s’appelait Jean Paul Kourouma, on s’est dit mais pourquoi ne pas fédérer nos idées et créer une association et CADE était né.”
HF : Quels sont les objectifs poursuivis par le CADE ?
Dans notre association, nous avons décidé d’organiser un projet en 4 branches. La création d’un jardin méditerranéen est la première. L’éducation à l’environnement est la seconde. La troisième est la branche recherche. Nous travaillons avec les FAC comme l’université de Montpellier et la fac de pharmacie. Et enfin, la branche développement agricole. On produit des plantes pour la parfumerie. On travaille avec un des plus grands laboratoires de Grasse.
Mais il est vrai que le jardin méditerranéen de Roquebrun, c’est un peu le phare de notre association.
HF : comment s’est monté ce projet ?
Il y avait plusieurs communes intéressées par par notre projet. Roquebrun avait cet espace exceptionnel qui domine le village, situé sous une tour de guet carolingienne. Ces terrains étaient à l’abandon depuis plus de 100 ans. Ils ne servaient donc à personne. Et Roquebrun est appelée la Nice de l’Hérault grâce à son microclimat unique. Quand on est monté dans ces broussailles, on est tombé de suite amoureux de ce site et de la vue exceptionnelle car il surplombe la vallée de l’Orb. Son seul défaut est dêtre peu accessible aux personnes à mobilité reduite.
HF : de quel microclimat s’agit-il ?
Ce micro-climat est dû à une exposition plein sud à l’abri du vent du Nord. La roche grise emmagasine la chaleur et la libère durant la nuit. L’Orb fait une courbe qui crée un tourbillon d’air et provoque une dépression. Les nuages ont tendance à contourner Roquebrun, et on dit souvent qu’il pleut à Roquebrun car le mont du Bouis Nègre situé derrière met son chapeau. Et donc il y a très peu d’eau, d’où l’idée de ce jardin qui est un jardin sec.
Puis, on a réfléchit et du fait de ce microclimat, on a planté des espèces introduites en France par les navigateurs, comme Bougainville au XIXᵉ siècle. On a pu mettre de nombreuses variétés de ces plantes succulentes qui pour la plupart sont devenues indigènes et méditerranéennes, mais qu’on ne pourrait pas installer dans d’autres régions de l’Occitanie.
HF : Comment êtes-vous devenu jardin remarquable ?
J’ai plus ou moins démarré les travaux en avril 86. Pendant plus de deux ans, il a fallu faire du nettoyage. Il faut imaginer que sur ce site, vous aviez neuf maisonnettes envahies par la broussaille et les arbres, dont deux qui étaient des sécadous. On peut encore les voir ici. Il a fallu créer le chemin d’accès. Au début, on a travaillé avec des ânes et on a monté, à la date d’aujourd’hui 4000 tonnes de matériaux pour faire les murets, les toitures, les maisons, les panneaux et les aménagements. C’était auparavant des terrasses viticoles, mais le tracteur est arrivé et compte tenu de la difficulté, les vignes ont été abandonnées.
La garrigue et le maquis avaient repris le dessus et cette création de jardins a redonné un nouveau souffle au haut du village. La réhabilitation a permis d’apporter l’électricité et le tout-à-l’égout.
Puis la notoriété s’est construite sur le bouche à oreille. Les jardiniers sont bavards. Certains m’ont conseillé de porter une candidature pour redevenir jardin Remarquable. Et puis, le jardin a été labellisé en 2020.
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HF : comment s’est faite l’implantation ?
On a commencé à faire les premières plantations en 1988. On est parti uniquement de boutures. Alors ça aussi c’est une longue histoire. Il faudrait peut être 3 livres pour l’écrire. Dans cette association, j’ai eu la chance – comme je le dis souvent à des stagiaires – de faire une carrière. J’ai eu la chance de rencontrer des gens qui m’ont beaucoup aidé, parmi lesquels Marcel Kroenlein, directeur à l’époque du jardin exotique de Monaco.
J’ai pu aller prélever des échantillons de boutures et fouiller dans les poubelles de ce jardin merveilleux. Donc c’est ainsi qu’on est parti en récupérant des petits morceaux à droite à gauche. On a aménagé une première partie, puis le jardin s’est agrandi au fur et à mesure.
J’ai aussi la chance d’avoir une très grande famille un peu dispersée dans le monde ; donc j’ai voyagé. J’ai rapporté des plantes, fait des échanges et c’est ainsi qu’on a pu construire un peu toutes cette qualité de végétal qu’on retrouve sur le site ; on a planté plus de 4000 plantes.
La partie basse qui est la partie la plus chaude qui rassemble les plantes venues de contrées lointaines.
Et la partie haute, c’est plus un sentier botanique, c’est moins entretenu, c’est très joli. Au printemps, les asphodèles (Asphodelus), les aphyllanthes de Montpellier (Aphyllanthes monspeliensis) ou de clématites sauvages en fleurs. On a rassemblé une collection de mimosas et on a une partie verger dont une collection d’oliviers mais aussi beaucoup d’agrumes. Un chercheur de l’INRA qui nous avait pris en amitié nous a donné des greffons d’oliviers (salonenque, picholine, de la verdale, tanche).
HF : Combien étiez-vous ?
Nous sommes une structure associative, moi je suis resté plus de deux ans seul. Après, on a fait de la réinsertion. On a permis à des gens en situation de handicap de venir travailler sur le site. Au début, une quinzaine de personnes très vaillantes ont filé des coups de main réguliers et importants. Ensuite, on a initié des ateliers avec des jeunes. Et là on tourne avec des saisonniers et j’ai aussi un contrat aidé.
On n’a pas le même rôle qu’un jardin privé, ni même qu’un jardin public. Une structure associative, c’est différent. Disons que ce n’est pas parce que j’aurai 200 000 visiteurs que je vais gagner plus à la fin du mois. Donc je n’ai pas à relever de défis commerciaux. Ma passion c’est le jardinage et les plantes. Découvrir, observer, apprendre. Et puis, donner envie aux visiteurs de voir tout cela.
HF : comment va le jardin compte tenu des bouleversements climatiques ?
Depuis de nombreuses années, on est envahi par des acariens et le papillon du palmier. Comme on n’utilise pas de produits chimiques, on a travaillé à trouver un produit 100 % naturel à base de graines de fenugrec. Et maintenant, voilà les charançons noir et rouge qui nous mangent les agaves et les yuccas. On s’est rendu compte qu’on n’avait aucun produit pour faire face. Donc, depuis trois ou quatre ans, nous travaillons, avec l’aide du département pour mettre au point une formule à base d’huiles essentielles.
Mais au-delà du climat, de la baisse de précipitations et de la hausse des températures, ce qui m’inquiète le plus, c’est l’éducation des jeunes à l’environnement.
HF : Comment le jardin est-il financé ?
Le jardin, c’est sûr, n’est pas autofinancé par ses 10 000 entrées annuelles. Nous proposons des prestations extérieures. Je fais des missions de coopérations, il arrive qu’on fasse des interventions auprès des collectivités. Et notre chance a été d’avoir pendant longtemps un président, Jean-Claude Bacon, qui était maître de conférence à l’Université de Montpellier. Et il y a une trentaine d’années, on a décidé de s’essayer dans le milieu de la parfumerie. Nous avons acquis des iris de Florence (Iris florentina) qui entrent dans la composition des plus grands parfums. Dans les rhizomes, on récupère l’irone présent dans le n°5 de Chanel. Si vous voulez un ordre d’idée, pour faire un hectare d’iris, il faut entre 40 et 45 000 pieds. Ceci nous fait rentrer de l’argent.
Et puis il y a la recherche. Nous faisons des études pédoclimatiques sur les plantes. Et on a travaillé sur le parfum, sur les iris et sur diverses plantes qu’on a aidé à mettre en place il y a quelques années, avec l’aide d’une collectivité territoriale.
HF : en conclusion ?
On travaille à faire venir des écoles sur le site pour leur faire découvrir ce monde merveilleux qu’est ce monde méditerranéen. Après, il faut savoir adapter son discours pour faire sensibiliser les enfants, parce que moi ça me tient à cœur. En plus, je suis issu de cinq générations d’enseignants. Et je me dis que sur 30 gamins, si j’arrive à en toucher quatre ou cinq, je sais que plus tard, eh bien ils seront sensibles aux problèmes de la nature et à ce qui nous entoure.
Qu’est-ce qu’un sécadou ?
Le sécadou (appelé aussi secadou, secadour) est le nom donné au séchoir à châtaignes. C’est une construction rectangulaire à un étage souvent en schiste ou en granit. Le sécadou est situé souvent à proximité d’un taillis qui l’alimente en petit bois et en feuilles mortes, car le feu doit être entretenu pendant plusieurs semaines.