Au bout d’une ruelle, dans un quartier résidentiel de Bordighera, en Italie, se cache un petit jardin fascinant, celui du musée Clarence Bicknell. Ses rois ? Deux énormes banians (Ficus macrophylla) et une impressionnante glycine plus que centenaire.
Les banians de Clarence
Il faut quitter le front de mer de Bordighera, parcourir les rues bordées de très belles maisons avant d’arriver, via Romana, dans la toute petite rue qui mène au musée-jardin de Clarence Bicknell. L’entrée du jardin a disparu depuis belle lurette, littéralement dévorée par les racines d’un premier banian. La puissance extraordinaire de ce Ficus macrophylla a eu raison des piliers de briques, il n’en reste que des vestiges. Un morceau de la grille d’origine joue entre les racines le rôle d’une pièce précieuse enchâssée dans une bague. Certaines des énormes racines sont même parvenues à pousser le long d’un mur, l’habillant comme un vêtement.
La dernière fois qu’on l’a mesuré, il affichait 21 m de haut et 8,60 m de circonférence. L’autre banian semble un tout petit peu moins puissant, mais c’est trompeur, puisqu’il atteint 28 m de haut et 8,20 m de circonférence. Il pousse juste dans un espace plus dégagé et ses racines ont rencontré moins d’obstacles. Les deux banians ont été plantés par Clarence Bicknell voilà environ 130 ans. Ils font partie de la liste italienne des arbres monumentaux.
La glycine centenaire du musée
Comme les banians, la glycine a été plantée à la fin du XIXe siècle. Elle aussi fait partie de la liste des arbres monumentaux d’Italie. Plantée au pied de la façade du musée, elle l’a totalement pris d’assaut. L’une de ses branches est tellement lourde qu’on a dû la cercler de fer ! Au printemps, la floraison de cette Wisteria sinensis recouvre presque toute la façade.
La liane patate
On l’appelle également griffe de chat ou patte d’oiseau, car ses vrilles se terminent en crochet. Macfadyena unguis-cati est une liane puissante qui pousse très rapidement. Attention, il s’agit d’une plante vraiment envahissante. Elle est quasi incontrôlable dans les régions tropicales, subtropicales et… douces. De plus, c’est une peste. Vous l’arrachez ? S’il reste un seul morceau de racines, un petit bout de truc qui traîne, elle s’empresse non seulement de repartir à vitesse grand V, mais en profite aussi pour produire des rejetons aussi cavaleurs que leur maman. Ne vous laissez pas séduire par sa capacité couvrante.
Mais qui était Clarence Bicknell ?
C’est en qualité de pasteur que Clarence, né en Angleterre, s’installe à Bordighera. Il est totalement séduit par la petite cité, ses environs et décide d’abandonner sa fonction religieuse pour se consacrer à l’archéologie et à la botanique. Il achète la villa Rosa et commence à parcourir la région. Ses recherches et randonnées le mènent jusqu’au Mont Bégo, dans le parc du Mercantour. Dans cette Vallée des merveilles, il étudie des milliers de pétroglyphes datés de la fin de l’âge de bronze et en découvre lui-même 7000 qu’il dessine ou photographie.
Clarence Bicknell, par ailleurs botaniste, passe ses journées à étudier la flore de la Ligurie, du Mercantour, des environs de Val Fontanalba, village italien où il s’établit après Bordighera. Il publie plusieurs ouvrages consacrés à la flore locale et illustrés par ses soins, comme « Flora of Bordighera and San Remo or a catalogue of the wild plants growing in western Liguria in the area bounded by the outer watersheds of the Arma and Nervia torrents » (si vous ne retenez pas tout le titre, personne ne vous en voudra…)
Un riche musée
En 1888, Clarence Bicknell transforme la Villa Rosa en musée. Il y rassemble tous les fruits de ses recherches, mais pas seulement. On y trouve aussi une bibliothèque riche de 85 000 livres et la collection personnelle de papillons de ce passionné. Il est aidé dans la réalisation de son projet par son neveu, Edward Berry qui vient s’installer à Bordighera en 1890. Avec Margaret, son épouse, Edward prend le relais de Clarence, au décès de ce dernier en 1918. Le musée est géré aujourd’hui par la Surintendance pour les biens architecturaux et les paysages de la Ligurie.