Ornithérapie, le mot est déjà souriant ! Et c’est le titre d’un livre écrit par Philippe J. Dubois, écologue et ornithologue, et Élise Rousseau, naturaliste et ornithologue. Ils imaginent que les oiseaux peuvent nous aider à aller mieux, et les études scientifiques leur donnent raison. À la rencontre d’Élise Rousseau…
Cavalière et naturaliste
Élise Rousseau a passé son enfance dans la nature. Cavalière, elle a établi des relations privilégiées avec les chevaux et s’est intéressée à l’équithérapie, cette discipline du soin qui utilise les chevaux comme support. Chez elle, les oiseaux étaient objet d’intérêt. “J’avais une famille sensible aux oiseaux et elle m’a transmis l’habitude de les regarder et de les respecter. Que ce soit du côté paternel comme maternel, on aimait les animaux.”
Et puis, lorsqu’on est naturaliste, on passe du temps à observer les oiseaux. Pour Philippe comme pour Élise, ces longs moments de birdwatching comme l’appellent les Anglo-saxons, leur apportaient une forme de bien-être qu’ils ressentaient depuis longtemps, tant dans leurs corps que dans leur tête. Voilà comment est née l’idée de titrer ce livre Ornithérapie.
Des études pour valider
“Au départ, poursuit Élise, nous pensions que ce sentiment de grand bien-être, que nous expérimentions, était lié à notre passion pour les oiseaux. Mais, en y regardant de plus près, nous avons constaté que des études scientifiques arrivaient aux mêmes conclusions. Regarder et entendre chanter les oiseaux fait du bien et on peut désormais le démontrer.
Moins de 10 minutes d’écoute des chants des oiseaux font baisser le taux de cortisol durablement, c’est–à-dire pendant plusieurs heures.
Le cortisol est l’hormone du stress.
Il peut troubler les cellules du cerveau dans leur faculté à absorber le glucose, et mener à la destruction de certaines cellules, si on en produit trop. En altérant la façon dont le sucre et l’eau sont stockés, il atrophie alors la masse musculaire. Pour autant, il est utile, à bonne dose, dans la lutte contre l’inflammation !
L’université du Michigan a même montré que les chants d’oiseaux font chuter les idées irrationnelles et le nombre d’hospitalisations psychiatriques. Et une étude de l’université du Wisconsin-Madison a analysé 140 000 enregistrements d’oiseaux pour étudier la diversité de leurs sons. Les résultats mettent en évidence que la morphologie et l’habitat influencent les sons émis par les oiseaux. Ce qui explique la richesse de leurs concerts !
Enfin, les scientifiques montrent que les espaces naturels, en particulier lorsqu’ils sont peuplés d’une large biodiversité végétale et animale, nous sont bénéfiques. Lorsque de très nombreux oiseaux y donnent de la voix, le bénéfice est encore majoré. Pour autant, aucun d’eux n’avait encore utilisé le vocable : ornithérapie !
Comment les oiseaux, leurs couleurs et leurs chants
nous font-ils tant de bien ?
On peut sans hésiter parler de la grâce de leurs mouvements et effets de plumes. Leurs sautillements comme leurs envols nous emportent vers une rêverie propice au bien-être. Mais au-delà, la concentration flottante que suppose cette observation nous renvoie à des pensées intimes. Quant au chant, en faisant baisser le taux de cortisol, il nous libère de la pression du stress.
L’observation et le chant des oiseaux ont d’autres vertus. Ainsi, à l’heure où l’on s’étourdit d’images et de bruit au point de voir baisser les capacités de concentration des enfants comme des adultes, cette connexion à la vraie vie est salvatrice. Car les ornithologistes nous convient, dans ce livre, à observer plutôt que simplement regarder, et à écouter au lieu de se contenter d’entendre. En l’espèce, ils nous invitent à vivre plus profondément une expérience de rencontre avec une nature très accessible : les oiseaux.
C’est ça l’ornithérapie !
Qui a peur du noir ?
Presque tout le monde a naturellement peur du noir. C’est normal, on perd tous nos repères visuels et les sons, même familiers, nous semblent moins bien déchiffrables. Or, les oiseaux et tous les animaux, mais aussi le vent ou le bruit de l’eau peuplent la nuit. Élise Rousseau était donc, comme nous tous, sujette à la peur de la nuit.
“Autrefois, j’avais peur de la nuit. Puis, je me suis mise à observer les oiseaux de nuit, les chouettes notamment. Et, j’étais la première surprise, ça m’a permis de dépasser la peur en apprivoisant la nuit. Cette peur commençait au crépuscule qui est le point de bascule entre le jour et la nuit. C’est l’instant que les humains appréhendent souvent. Aujourd’hui, c’est l’un des moments préférés de ma journée.” Raconte-t-elle. J’ai apprivoisé cette peur archaïque en la remplissant d’images et de sons, qui, par l’écoute et l’observation, me sont devenus familiers. Et la nuit semble alors tout à fait différente et pas du tout inquiétante.”
Écouter et observer les oiseaux : un jeu d’enfant
Les enfants sont, par nature, curieux. Maria Montessori tout comme Freynet, éducateurs très attentifs, s’en étaient bien rendu compte. Et, si les enfants d’aujourd’hui peinent à se concentrer, c’est pour de multiples raisons liées aux modes de vie, parmi lesquels le peu de temps passé dans la nature à exercer sa curiosité. Or, qu’il s’agisse d’oiseaux, d’insectes ou de plantes, les enfants adorent passer du temps dehors. Ils sont capables de mobiliser leur attention longtemps pour suivre le parcours d’un rouge-gorge, d’un batracien ou d’un cancrelat.
Si vous prévoyez des vacances, n’oubliez pas la paire de jumelles et la loupe. Emmenez petits et grands à travers, les prairies, les forêts et les plages et apprenez-leur à observer, à reconnaître. Donc à connaître et à aimer. Vous pratiquerez ainsi dans la joie ce qu’Élise nomme ornithérapie.