On ne le dira jamais assez, nos enfants doivent passer du temps à l’extérieur et le plus possible dans la nature. Et ce, parce que c’est bon pour la santé physique et mentale mais aussi pour la curiosité et l’attention, et même pour la bonne camaraderie. Lorsque les cours ont lieu dehors, non seulement les élèves se connectent à la nature et vont mieux mais les enseignants aussi pour peu qu’ils s’appliquent à modifier leur pédagogie.
Benjamin Gentils et Thomas Germain en ont fait leur cheval de bataille, d’abord pour venir en aide aux enseignants lors du confinement Covid, puis parce que c’est bon pour tous !
Une rencontre
Benjamin Gentils et Thomas Germain ont co-fondé la Fabrique des communs pédagogiques. Ce qui les a rassemblés et l’étincelle, ça a été le Covid.
Le premier travaille sur les politiques publiques, les Tiers-Lieux, la participation citoyenne et les rôles des sciences humaines et sociales pour éclairer la décision publique depuis sa sortie de Sciences Po Lille.
Le second, diplômé d’AgroParisTech vit à Villeurbanne, est impliqué dans le monde associatif et dans l’éducation populaire depuis bientôt une dizaine d’années et a également beaucoup travaillé dans le milieu des Tiers-Lieux.
Faites sortir les enfants de la salle de classe
L’école nous a tous habitués à rester assis derrière une table toute la journée pour apprendre ce qu’un enseignant ou une enseignante avait au programme. Or, aujourd’hui, les problèmes d’attention que manifestent nos petits, les risques induits par la pollution de l’air intérieur, l’augmentation de la myopie, du diabète et de l’obésité chez les plus jeunes, justifient une remise en cause. Il semble que notre société ne parvienne plus bien à laisser les enfants découvrir leur curiosité, développer leur motricité, éveiller leur sensorialité. On peut bien sûr incriminer les uns ou les autres, récriminer sur la jeunesse d’aujourd’hui mais on peut aussi imaginer un apprentissage différent.
C’est ce qui motive Benjamin et Thomas. Et ce d’autant plus qu’après plus de 4000 expérimentations sur tout le territoire, on s’aperçoit que dans la grande majorité des cas, ça fonctionne. Et pas seulement pour les enfants mais aussi pour les profs.
Un terrain d’expériences et d’apprentissage
L’extérieur n’est pas seulement un terrain de sport et d’activité récréatives. C’est ce dont il faut convaincre les adultes et tout particulièrement les parents. Beaucoup pensent que lorsqu’un enseignant passe une journée à l’extérieur, ce n’est pas vraiment un temps de classe. C’est tout à fait faux car dehors, on peut tout autant découvrir la nature et son fonctionnement que faire des exercices de maths. Pour les maths, c’est même une aide précieuse pour tous les élèves – très nombreux – pour qui la matière est trop abstraite. Ainsi, dénombrer, additionner ou soustraire des graines permet une meilleure compréhension. Classer des fruits favorise la compréhension des ensembles. Ce qui est vrai pour les maths, l’est aussi pour la physique ou la chimie.
Et la langue, la littérature y trouvent le vocabulaire le plus riche. Les élèves prennent plaisir à l’exercice de description qui les aurait ennuyés au pupitre. Si l’école est au cœur de la cité, on étudiera un auteur au pied de la statue qui le représente, ou dans le lieu qui l’a inspiré. Et au pied de sa statue, le prof de SVT fera un cours sur les violettes qui entourent le piédestal tout aussi bien !
Une autre façon d’enseigner
Dehors, si on enseigne les mêmes matières et des contenus similaires, en revanche, cela demande de revoir la pédagogie. Pour Benjamin, “les séances se construisent différemment. Il faut ritualisé. Par exemple, beaucoup de profs commencent après une pause. Parfois, pour les plus petits, on démarre avec une chanson ou dix minutes de concentration, la lecture d’une poésie, peu importe. Ce qui est important c’est le rituel qui marque la différence.”
“Il y a aussi énormément de jeux libres et ça c’est un vrai changement de posture pour l’enseignant. Parce que, dans les jeux libres, il y a plein d’apprentissage qui se mettent en œuvre. Et toute la créativité de l’enseignant est dans la construction des apprentissages à partir de ce que font les enfants.” précise Thomas.
Rendre sa place au sensible
Le philosophe Baptiste Morizot évoque une “crise du sensible“. L’émergence des sociétés industrielles, qui sont à l’origine d’un exode rural vers les villes, a coupé des générations d’un rapport sain à la nature et aux vivants non-humains. Aujourd’hui, le désastre écologique et climatique auquel nous devons faire face en est le résultat. Il est donc grand temps, et ce devrait être au cœur des politiques publiques, de donner aux enfants l’opportunité de nouer ce lien manquant. “L’enfant peut avoir une démarche sensible à son environnement dès le plus jeune âge, parce qu’un quart d’heure calme permet de se poser. Les enfants écoutent les oiseaux, les bourdonnements d’insectes, le vent,… la nature. Ils vont développer une relation non nommée, non scientifique, sensible à leur territoire qu’il soit rural ou citadin.” explique Benjamin.
Réorganiser les espaces publics
Benjamin et Thomas, outre leur travail qui a pour objectif de généraliser un temps de classe dehors pour tous les écoliers et étudiants de France, vont plus loin. Ils interpellent les élus locaux et avec eux les architectes et autres aménageurs des espaces publics de la ville. Car, pour que 12 millions d’élèves puissent bénéficier d’une bonne qualité de classe dehors, en toute sécurité, il faut repenser la ville. Et leur référence, c’est Francesco Tonucci, chercheur en psychologie et sociologie, et activiste italien. Il a théorisé la ville et l’ensemble des politiques publiques urbaines à hauteur d’enfant. Parce qu’une ville conçue pour ses citoyens les plus vulnérables sera, par définition, adaptée à tous les citoyens.
Rencontres internationales de la classe dehors
Du 14 au 17 mai 2025, sont organisées à Marseille au Parc du 26ème centenaire pour son volet professionnel et dans toute la ville pour les enfants enchantent Marseille, la seconde édition des Rencontres internationales de la classe dehors.
La partie pro est un événement dédié aux échanges, à la formation et à la mise en réseau des professionnels. Ces rencontres sont conçues pour favoriser l’enrichissement mutuel entre praticiens, chercheurs et autres acteurs impliqués dans l’enseignement en plein air.
“Les enfants enchantent Marseille” invite les enseignants, les éducateurs et animateurs, de la crèche à l’université, à sortir dehors au moins une demi-journée pour apprendre, dans Marseille, en autonomie ou avec l’appui d’un partenaire, entre le 14 et le 21 mai 2025.
Une proposition de loi déposée le 14 mai donne un cadre clair pour que l’école devienne un acteur majeur de la transition écologique et de la santé publique. Elle vise à appliquer le droit des enfants à un environnement sain avec un objectif ambitieux : permettre aux 12 millions d’élèves de vivre régulièrement des expériences d’apprentissage en plein air, dans un contexte où plus de 4000 écoles, collèges et lycées font déjà classe dehors.
Faire classe dehors, par l’OCCE
Enseigner dehors désigne une pratique d‘enseignement qui se fait de manière régulière dans l‘espace naturel et culturel proche de la classe (dans l’enceinte de l’école ou en dehors), de manière interdisciplinaire et en travaillant l’ensemble des domaines d’apprentissage de l’école.
Enseigner dehors à proximité n’est pas à considérer comme une simple sortie scolaire. Faire classe dehors c’est faire classe tout simplement. Enseigner à l’extérieur n’exclut pas l’enseignement à l’intérieur, ni même de considérer que la seule nature qui vaille est loin des centres-villes.
Là, à portée de pas, aller à la rencontre de la nature et faire classe : compter, lire, réciter des poésies, écrire, pratiquer des activités physiques et des arts plastiques, chanter, jouer ou toute autre activité compatible avec l’extérieur.
Source : OCCE (Office central de coopération à l’école). Fiche Guide par Crystèle Ferjou, mai 2020