Un potager, quelques fruitiers, et voilà qu’en saison les paniers de récolte se remplissent posant de façon criante la nécessité d’explorer les méthodes de conservation. Avec Joseph Chauffrey, auteur de Mon petit jardin en permaculture et J’optimise l’espace au potager, nous avons discuté de la lactofermentation.
La lactofermentation est l’une des techniques les plus anciennes de conservation des aliments. Les Égyptiens et les Chinois l’utilisaient, il y a des milliers d’années, parce qu’elle est simple et naturelle. L’action se produit dans un bocal. Une réaction chimique provoquée par certaines levures ou bactéries, en l’absence d’oxygène, transforme les glucides des aliments. Le milieu s’acidifie, évitant que d’autres micro-organismes s’y développent. Nous consommons quotidiennement des aliments fermentés comme le pain, la bière, les cornichons, le vinaigre ou les yaourts et le fromage. Il existe deux types de fermentation : à l’alcool ou la fermentation lactique.
Pour Joseph Chauffrey qui produit 400 kg de fruits et légumes par an dans son petit jardin de Sotteville-lès-Rouen, le choix des modes de conservation a été logiquement la suite de sa production. Il vit l’année entière sur la production de son potager et bien sûr, il ne mange pas tout en saison !
Chaque méthode de conservation a des qualités différentes
Pour Joseph, “la lactofermentation, c’est intéressant comme une des méthodes de conservation, car c’est le panel d’ensemble qui est riche. Un petit peu de bocaux en stérilisation, un petit peu de légumes déshydratés, un petit peu de congélation, un petit peu de conservation à l’huile, un petit peu de pickles, un petit peu de lactofermentation…” Tout l’hiver le choix se fait en fonction des saveurs et des textures différentes selon le mode utilisé. Voilà donc comment varier les plaisirs !
HF : Pourquoi faire de la lactofermentation ?
Joseph : La lactofermentation est très peu énergivore, donc c’est important. On prend des légumes généralement crus, on les tasse dans un bocal avec une petite saumure, le légume va dégorger. En l’absence d’oxygène parce que le légume est bien tassé, il y a une dégradation anaérobie du légume qui va créer de l’acide lactique (rien à voir avec le lait). Ça fait des bulles parce que ça fermente, ça peut même parfois sortir du bocal au démarrage, c’est normal. Le contenant n’a pas besoin d’être hermétiquement fermé, c’est même un problème, car cela émet du gaz qui doit pouvoir s’échapper. Donc, dans un bocal sans joint, c’est parfait. Ce n’est pas la mise sous vide qui conserve, c’est l’acidité de l’acide lactique.
Quelques semaines plus tard, le milieu s’est suffisamment acidifié pour qu’aucune bactérie pathogène ne puisse s’y développer. On obtient un produit qui n’a plus le goût du légume d’origine. Ça développe une saveur un peu vinaigrée comme le chou de la choucroute. C’est la raison pour laquelle on ne peut pas se contenter de cette méthode de conservation.
Pour créer une saumure d’une concentration de 2 %, ajoutez 10 g de sel à 500 ml d’eau. Le sel ne doit pas contenir d’additif, tel que l’iode, dont les propriétés antiseptiques nuiraient au développement des bactéries.
Pour moi, avec cette saveur un peu particulière, ça devient un condiment plus qu’une base de légume pour un plat. Je les utilise en complément d’une salade, d’un morceau de viande, d’une part de tarte ou de gâteau. Les légumes racines comme la carotte ou la betterave et les choux me paraissent être ceux qui s’y prêtent le mieux. Les légumes gorgés d’eau comme la courgette ou la tomate s’y prêtent moins bien, je trouve.
HF : C’est bon sur le plan nutritif ?
Joseph : La lactofermentation est un processus qui améliore la qualité nutritionnelle. Il devient une sorte de super aliment, un probiotique intéressant pour la flore intestinale contrairement à la stérilisation qui réduit un peu la qualité nutritionnelle.
Le rôle de ces probiotiques est de montrer aux bonnes bactéries présentes dans le corps comment mieux utiliser l’énergie et permettre ainsi de lutter contre les bactéries qui nous attaquent. Cela renforce nos défenses immunitaires. Des études tendent à démontrer que le manque de variété de bactéries dans la flore intestinale constitue un facteur favorisant le développement de certaines maladies, telles que l’obésité et les cancers intestinaux. Autrement dit, la fermentation améliore la biodisponibilité des nutriments retrouvés dans les aliments puisque les bactéries débutent le processus de fermentation. Ainsi, la choucroute contient plus de vitamine C qu'une orange. Il importe toutefois de consommer ces produits crus, puisque la cuisson élimine les bactéries.
HF : Ça se conserve bien ?
Joseph : Je les garde rarement au-delà d’un an parce que, par définition, je produis ce que je consomme dans l’année, mais je n’ai jamais de moisissure, jamais de dégradation des aliments. Et lorsqu’on plante un potager, c’est bien pour avoir des légumes nouveaux chaque année !
Selon les spécialistes, la lactofermentation permet de conserver les produits plus d’un an.
Joseph Chauffrey a publié :
Mon petit jardin en permaculture, en 2017 et J’optimise l’espace au potager, en 2020 aux éditions Terre vivante. Il y détaille la création de son jardin en permaculture puis les techniques d’optimisation de l’espace qui permettent de densifier les plantations et d’accroître le rendement des petites surfaces. 14,00 €
Il dispense des formations à la permaculture et au jardinage durable tant pour les débutants que pour les jardiniers éclairés. Son site ICI
Pour en savoir plus sur comment conserver malin :
Bien conserver ses aliments, c’est malin
Alix Lefief-Delcourt
Leduc éditions 2012
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