Ce film met en image une rosiériste au passé glorieux, au bord du dépôt de bilan, mais confrontée à son incapacité à se faire aider. Contrainte de recevoir des stagiaires en réinsertion, elle va avec eux, découvrir le bonheur d’un effort solidaire et la joie d’un succès partagé.
Pour le réalisateur, Pierre Pinaud, c’est le morceau de jardin confié par ses grands-parents lorsqu’il avait 11 ans, et lieu de sa première scénographie, qui explique son amour du jardin. “J’avais environ onze ans quand mes grands-parents nous ont offert à mon frère et à moi une partie de leur jardin, en nous donnant carte blanche pour que nous en fassions ce que nous voulions. Avoir un bout de terre à soi quand on est gamin… quel cadeau merveilleux ! Ma passion pour les fleurs est née, consciemment, à cette époque-là et elle ne m’a plus jamais quitté.”
Un jour, il découvre que la création de roses est une spécialité française et demande une manipulation très minutieuse destinées à faire émerger “la fine fleur”, c’est-à-dire l’élite. “J’y ai vu un parallèle frappant avec nos sociétés hyper concurrentielles.” Voilà comment est né le scénario de la Fine fleur.
“Sur la quarantaine de créateurs de roses existant encore aujourd’hui à travers le monde, plus de vingt sont français, dont une grande partie est installée dans la région lyonnaise. Cela m’a intrigué. Je me suis documenté sur le sujet : les différentes étapes de ce processus, les concours dont les roses font l’objet, l’amour et l’abnégation qu’elles exigent de la part de ceux qui les créent et les «élèvent ».”
La fine fleur : une distribution réussie
Catherine Frot est Ève
“Je voulais faire un film très « français », et je me suis dit qu’aucune actrice n’incarnerait mieux que Catherine cette spécificité, qui réclame à la fois de la finesse, de l’élégance, de la sensualité, du caractère, un brin de gouaille et aussi pas mal de fantaisie.”
Les “jeunes” de la Fine fleur
Fred – Melan OMERTA, Samir – Fatsah BOUYAH, Vera – Olivia CÔTE.
“Comme il s’agissait de personnages « en devenir », j’ai souhaité faire jouer les personnages les plus jeunes par des comédiens qu’on avait encore très peu ou quasiment jamais vus sur le grand écran”
Si tous sont parfaits dans leurs rôles respectifs, la prestation de Mela Omerta crève l’écran ! Et il y a fort à parier que le jeune homme fera une belle carrière. La complicité qui se noue avec Ève et entre eux, avec ses soubressauts, est sensible et contribue au rythme du film.
“Il fallait trouver un comédien qui puisse exprimer, avec la même spontanéité, à la fois la dureté et la violence d’un petit caïd et en même temps de la sensibilité et la douleur de l’abandon. C’était un peu la quadrature du cercle. J’ai d’abord vu tous les comédiens référencés par les agents. Et un jour, toujours à la recherche de ce jeune acteur, en visionnant la sélection des courts-métrages des César, j’ai découvert Melan Omerta.”
Fatsah Bouyahmed apporte beaucoup d’humanité et de comédie au rôle, avec une douceur souriante et naïve.Il joue Samir, un chômeur de longue durée malchanceux de plus de 50 ans.
Marie Petiot joue une jeune femme que sa timidité maladive empêche d’intégrer le monde du travail. Nadège est si inquiète que lorsqu’elle parle, elle semble incapable d’articuler !
“C’est un vrai rôle de composition car Marie est l’inverse dans la vie, très à l’aise, volubile, sociable, spontanée…”
Et puis, il y a Vera, fort bien jouée par Olivia Côte, plus fidèle que fidèle, parfois souffre-douleur et aussi plus maligne qu’elle de le montre.
Enfin, le méchant et très intéressé créateur industriel de roses, joué de façon très crédible, par Vincent Dedienne, garde indûment pour son usage exclusif, des variétés aussi rares que sublimes.
Catherine Frot a aimé le rôle d’Ève pour la trajectoire féminine et complexe qu’il porte.
Et, elle a découvert les roses : “Je me suis rendue compte que les roses comptaient beaucoup dans le charme qu’exhalait cette histoire de mains tendues, qu’elles étaient même essentielles, qu’elles lui donnaient une poésie ineffable et un parfum entêtant“.
“Ce qui m’a plu en premier lieu c’est la personnalité du personnage et aussi sa trajectoire : celle d’une femme qui a été une gloire dans son métier, qui ne l’est plus mais va pourtant réussir à renaître en acceptant l’aide de personnes elles aussi au fond du trou. Des êtres qui vont mal, enfermés dans leur solitude mais qui, malgré leurs différences, finissent par trouver leur salut dans la solidarité.“
Le personnage va évoluer tout au long du film et se transformer au contact d’autres également en difficulté et tout autant motivés par un succès.
“Au début de l’histoire, elle est fière, droite, courageuse, enfermée sur elle-même ; une sorte de maîtresse femme assez psychorigide mais meurtrie que seule sa passion « monomaniaque » pour les roses lui permet de tenir encore debout.”
Un personnage intéressant
Pour l’actrice, “jouer quelqu’un qui sort de sa coquille et qui se transforme est toujours passionnant, d’autant plus si, comme c’est le cas ici, il n’est mû que par une passion exclusive et totalement désintéressée. D’une certaine façon, Eve « tient » de la rose. Elle ne vit que pour la perpétuation de la beauté, un truc complètement inutile, éphémère, désuet et pourtant fondamental, primordial.“
En résumé
“C’est un film qui est à la fois formellement très beau, raffiné, très bien écrit et construit, et qui est d’une grande richesse. On y expose les difficultés d’une petite exploitation familiale face aux grandes entreprises, on y dresse l’état des lieux d’une profession en grande difficulté, on y fait le portrait d’une femme attachante dans son combat pour survivre sans renoncer à ses valeurs morales, et dans son obstination à maintenir une tradition florale, et on y comprend que la solidarité est un moyen magnifique pour se réinventer. Que le lien entre toutes ces facettes soit la passion pour une fleur qui est l’image de la beauté éternelle, ajoute encore à sa singularité !” dit Catherine Frot.
Pourquoi ce choix d’un regard social ?
“Comme il se trouve que les thématiques sociales m’ont toujours touchée et interpellée, j’y ai vu un parallèle frappant avec nos sociétés hyper concurrentielles d’aujourd’hui, avec leur propension à l’élitisme, où pour accéder aux meilleures écoles, et donc aux meilleurs emplois, il faut gagner des concours et souvent être né dans une bonne famille… De cette similitude, j’ai vu apparaître le substrat sur lequel je pouvais construire un film et j’ai commencé à envisager un scénario.”
Pierre Pinaud approfondit donc ses connaissances sur les roses et leur culture. Il rencontre des producteurs et des obtenteurs. il constate à quel point les pépinières ont face à elles des géants sui développent une production de masse avec des critères de qualité qui ne sont pas du tout de même nature. Il découvre les difficultés auxquels sont confrontés ces créateurs de beauté.
“Et j’ai réalisé qu’à des degrés divers, tous ses producteurs, ses créateurs et ses amateurs, tous, sans exception aucune, étaient en quête d’un rêve de beauté : trouver un jour une fleur, qui soit encore plus magnifique, plus délicieusement odorante que les précédentes. J’ai trouvé qu’il y avait là, dans cette recherche incessante, obstinée, une poésie folle, et il fallait qu’on la retrouve aussi dans le film.”
LA FINE FLEUR
Un film de Pierre Pinaud
Au cinéma depuis le 30 juin.
Synopsis
Eve Vernet a été la plus grande créatrice de roses. Aujourd’hui, elle est au bord de la faillite, sur le point d’être rachetée par un concurrent puissant. Véra, sa fidèle secrétaire, croit trouver une solution en engageant trois employés en insertion sans aucune compétence horticole… Alors que quasiment tout les sépare, ils se lancent ensemble dans une aventure des plus singulières pour sauver la petite exploitation.
Eve Catherine FROT
Fred Melan OMERTA
Samir Fatsah BOUYAHMED
Vera Olivia CÔTE
Nadège Marie PETIOT
Lamarzelle Vincent DEDIENNE