L’association Aux arbres citoyens ! est née à La Rochelle à la sortie du premier confinement. Coralie Tisné-Versailles a eu l’idée de ces cueillettes solidaires menées par des bénévoles. Les fruits récoltés sont ensuite distribués aux personnes en état de précarité alimentaire. Et l’idée est en train de faire son chemin dans d’autres régions.
Hortus Focus : Comment vous est venue l’idée de créer Aux arbres citoyens ?
Coralie Tisné-Versailles : à la fin de premier confinement, j’ai ressenti le besoin comme bien d’autres de faire quelque chose qui ait du sens et permette de relier les gens. L’association est née également d’un double constat. En premier lieu, de nombreux fruits se perdent chaque année. Il arrive à la nature d’être si généreuse qu’on ne sache plus quoi faire de ses cerisiers, prunes, pommes, figues. On peut aussi ne plus être en capacité physique de se lancer dans de grosses récoltes. Second constat : les personnes en état de précarité alimentaire ne peuvent souvent pas se permettre d’acheter des fruits ou légumes frais. Les banques alimentaires sont constamment en recherche de produits frais à distribuer.
HF : Comment avez-vous lancé votre projet ?
J’ai publié un appel sur Facebook, créé un petit site internet pour lancer un appel aux bonnes volontés.
HF : Comment avez-vous lancé votre projet ?
J’ai publié un appel sur Facebook, créé un petit site internet pour lancer un appel aux bonnes volontés.
Nous avons aussi imprimé des flyers pour faire connaître notre action et nous faire connaître auprès des jardiniers qui ont trop de fruits dans leur jardin. Le retour a dépassé mes espérances : au bout de six mois, nous étions une centaine de cueilleurs bénévoles. Aujourd’hui, nous sommes plus de 200. Une centaine de particuliers nous ont appelés pour ouvrir leur jardin à ces cueillettes solidaires.
HF : Quel est votre rayon d’action ?
Nous récoltons les fruits dans un rayon de 20 à 25 km autour de La Rochelle. Pas question d’alourdir le bilan carbone. Exceptionnellement, les bénévoles peuvent se rendre plus loin si nous savons qu’il s’agit de cueillir beaucoup, beaucoup de fruits. Et dans ce cas, on organise du covoiturage.
HF : Quels sont les retours des bénévoles ?
On est tous pareils, impressionnés par la manne nourricière présente dans notre territoire proche. Ces cueillettes changent vraiment le regard sur l’environnement notamment urbain. Tout le monde est capable maintenant, moi la première, de reconnaître des arbres que je ne « voyais » même pas avant. Au printemps dernier, je voyais des cerisiers partout ! À l’automne, j’étais obnubilée par les oliviers ! Être entouré de nourriture, c’est en fait très rassurant.
HF : Les cueillettes sont-elles tenues à des règles précises ?
Oui, car les gens doivent nous faire confiance. Ouvrir son jardin, son verger, à des étrangers, c’est un peu dévoiler son intimité. Donc on gère très sérieusement les cueillettes. Si le rendez-vous est fixé à 14 h, nous arrivons toujours 5 mn avant. Si 4 bénévoles doivent être présents, pas question de venir à 1 seul ou 10. Si nous devons emporter des échelles, nous venons avec des échelles. La parole donnée est extrêmement importante. C’est en respectant ces règles que les propriétaires de petit ou de grand verger nous font confiance. Les bénévoles sont toujours au rendez-vous. Nous avons toujours honoré nos engagements.
Les cueillettes solidaires peuvent avoir lieu en semaine, le soir pour permettre aux actifs d’y participer, et le week-end pour faire participer les plus petits à ces récoltes.
HF : Que faites-vous de tous les fruits récoltés ?
Les propriétaires, surtout ceux qui ne peuvent plus cueillir, ont bien entendu la possibilité de garder un peu de production pour eux. Mais généralement, ils ont cueilli tout ce dont ils avaient besoin, la famille et les amis sont venus se servir et pourtant il leur reste encore beaucoup de fruits.Les bénévoles peuvent, eux, prélever de quoi faire une tarte ou une compote. Certains de nos bénévoles sont eux aussi en état de précarité alimentaire et on ne régule pas ce qu’ils prélèvent, ils en ont besoin. Le reste de la cueillette, 90%, est acheminé directement jusque’aux Banques alimentaires, au Secours populaire, à la Croix-Rouge, aux Restos du Cœur…
Ces associations se chargent ensuite de les distribuer à leurs bénéficiaires.
HF : Cueillez-vous ailleurs que chez des particuliers ?
Il nous est arrivé d’aller dans d’anciens vergers dont plus personne ne s’occupe. Souvent, il s’agissait de propriétaires d’arbres fruitiers qui vendaient leur production sur les marchés. Leurs enfants et petits-enfants ne s’occupent plus des parcelles, mais les arbres donnent encore. Il serait trop bête de laisser les fruits se perdre. Nous pouvons aussi aller cueillir des fruits sur des parcelles vendues, mais où le chantier de construction n’a pas débuté. Dans ce cas, les promoteurs immobiliers nous laissent entrer sur le terrain pour récolter les fruits.
HF : Récoltez-vous aussi des légumes ?
Pas à proprement dire, car peu de potagers sont en surproduction chez les particuliers. En revanche, nous glanons chez des professionnels, des maraîchers des légumes qui peuvent être en surproduction. L’été dernier, un maraîcher nous a contactés pour ramasser des haricots verts qui, si nous ne les ramassions pas, allaient terminer broyés. Nous sommes allés dans ses cultures et avons glané plus de 200 kg de haricots verts bien frais.
HF : Qu’appréciez-vous le plus dans cette expérience ?
La richesse des rencontres ! Chacun peut être cueilleur, les enfants, les personnes âgées, les gens en réinsertion, les étudiants, les actifs, les chômeurs… Ces personnes de tous âges, de toutes conditions sociales ou familiales ont une occasion de se rencontrer, de se parler, d’échanger, de s’apprécier, de s’entraider. Ces rencontres sont, pour moi, aussi importantes que l’acte de donner de son temps. Quand on sort d’une cueillette, on se sent bien. Je suis sûre que cueillir est un geste thérapeutique !
HF : Existe-t-il d’autres associations comme la vôtre ?
Curieusement, non ! Pas en France. La seule association de ce type se trouve à Toronto, au Canada. Chez nous, il existe des opérations de cueillettes, mais portées par des structures qui ne sont pas associatives comme Aux arbres citoyens !
HF : Envisagez-vous de créer des antennes ailleurs ?
Oui, oui, oui ! L’hiver est propice à la réflexion. Effectivement, des antennes pilotes vont naître en 2022. Nous sommes déjà en contact avec des personnes qui pourraient les créer. Aux arbres citoyens ! pourrait devenir un réseau associatif, structuré autour d’une charte et d’une image commune, mais avec la possibilité d’ajouter chacune des petites activités pour s’adapter aux particularités du territoire. Il y a tant à faire…
Apporter de la joie
Coralie Tisné-Versailles a 40 ans. Cette jeune femme très dynamique a fait des études en école de commerce avant de travailler dans le secteur du tourisme. Elle a monté plusieurs entreprises avant, en 2020, de créer l’association Aux arbres citoyens, à laquelle elle consacre aujourd’hui tout son temps en tant que chargée du développement. « J’aime partager et motiver les gens, pousser des actions. C’est ainsi qu’on apporte de la joie et du sens dans nos vies. »
Les soutiens d’Aux arbres citoyens !
« Notre association a tout de suite été très soutenue par les journalistes. Ils nous ont aidés à démarrer. Nous avons aussi répondu à des appels à projets, à des concours que nous avons eu la chance de remporter. Aux arbres citoyens est aujourd’hui soutenu par la Fondation Léa Nature, le groupe Aesio, Alterlab, Réalités, Yélomobile, la Communauté d’agglomération de La Rochelle. »