Dans une forêt, les racines des arbres et de toutes les plantes explorent le sol en permanence. Elles cherchent l’eau et les nutriments indispensables à leur croissance. Mais cela va-t-il durer ?
Le bouleversement climatique, dont nous constatons quotidiennement les effets partout dans le monde, impacte aussi la vie du sol. Les chercheurs de l’INRAE travaillent à l’exploration la plus complète et la plus fine possible des interactions que nouent les microorganismes du sol – ce qu’on appelle la mésofaune – les plantes et les champignons.
Et, dans une motte de terre, il y a plus de 30 milliards d’organismes vivants,
des bactéries, des champignons et la microfaune.
La mycorhize assure une part de l’alimentation
Les recherches conduites dans les années 1980 sur la fertilité des sols forestiers ont mis en évidence le rôle fondamental des symbioses mycorhiziennes. Cela a permis aux chercheurs de l’INRAE de mettre au point des techniques de sylviculture reposant sur la connaissance de ces réseaux de champignons qui vivent en symbiose mutualiste à bénéfices réciproques. La plante apporte aux champignons les sucres issus de la photosynthèse. En retour, ces champignons, sous forme d’une toile, d’un réseau de mycélium, absorbent les éléments nutritifs, l’azote, le phosphate, le potassium, l’équivalent des engrais et les apportent à la racine de la plante. Ils stimulent ainsi sa croissance.
L’apex racinaire, une tête chercheuse
La pointe des racines s’appelle l’apex racinaire.
Un apex végétal est composé d’une coiffe qui protège contre les agressions extérieures et guide la racine grâce à des capteurs. Ils lui permettent de sentir la présence d’eau dans le sol des forêts, mais aussi les sources d’éléments nutritifs. Le méristème est la zone de genèse des nouvelles cellules. Enfin, la zone d’élongation cellulaire correspond à une zone où les cellules s’allongent.
Les apex racinaires sont à l’origine de la cytokinine, une hormone stimulatrice.
Une coopération extraordinaire et une peu mystérieuse
L’une des fonctions essentielles des structures mycorhiziennes est de protéger les racines des plantes, des collemboles (de petits arthropodes), des nématodes et autres bestioles qui cherchent à les dévorer.
Les chercheurs observent ces échanges en laboratoire pour toujours mieux comprendre la nature et la structure des échanges entre les mycorhizes et les racines des plantes. Pour un mètre de racine, vous déroulez un kilomètre de filament de champignon. Ces filaments enveloppent la racine et forment ce qu’on nomme un manteau fongique. Ce manteau opère comme un système immunitaire et protège la plante ou l’arbre contre les attaques. Il marque le démarrage de la formation du réseau mycorhizien.
Des éléments de compromis
Peu à peu, le champignon s’immisce entre les cellules de la racine. Ce qui préoccupe les chercheurs de l’INRAE, c’est de comprendre quels sont les signaux qu’échangent les partenaires de la symbiose pour sceller leur alliance. Ils essaient de découvrir quels sont les éléments du compromis de coopération. Et, au-delà, quelles sont les relations intimes qui régissent les rapports avec les milliards de bactéries ou les insectes.
Le bouleversement climatique rebat les cartes
Les forestiers et les chercheurs le constatent depuis plusieurs années, les modes de fonctionnement des habitants du sol sont perturbés. Sécheresses, pluies diluviennes, lavage des sols, vents violents, créent du stress pour les plantes, mais aussi pour le sol qui les nourrit. Comment les fortes chaleurs vont-elles impacter les populations bactériennes qui sont fondamentales pour la fertilité du sol des forêts ?
Ces populations bactériennes ont le même rôle pour le sol des forêts que le microbiote qui se développe dans notre intestin , sur notre peau ou dans notre nez ! Elles assurent une bonne résistance aux maladies et les aident en cas d’aléas climatiques. Mais si elles-mêmes sont affaiblies par les conditions climatiques, imaginez les conséquences en chaîne !
Les scientifiques de l’INRAE ont pu observer que la raison pour laquelle certaines plantes résistaient moins bien à la sécheresse et jaunissaient rapidement, était lié à ces bactéries. Ils ont donc reproduit la séquence en laboratoire et ont pu constater que le stress hydrique impactait vraiment les bactéries du sol. Et de ce fait, la plante était carencée.
Des recherches pour faire face
Cette connaissance approfondie des mécanismes du sol des forêts a pour but de développer des réponses. Il ne s’agit bien sûr pas de réponses chimiques dont on connait les conséquences désastreuses. L’idée est de trouver des façons de booster la nature, de renforcer les processus naturels. Mais, les chercheurs le savent, ça ne remplacera pas la transformation nécessaire des pratiques agricoles.