Il aime les népenthès, les droséras, les dionées… mais s’intéresse encore plus aux plantes carnivores méconnues et à la façon qu’elles ont de se nourrir. Carl Berthold veille sur la collection de carnivores du Jardin botanique de Nancy.
Hortus Focus : le monde des plantes carnivores est-il plus grand qu’on le pense ?
Carl Berthold : oui, on n’en connaît que quelques genres en France, les droséras qui utilisent de la glu pour piéger les proies, les dionées avec leurs petites mâchoires, les népenthès qui utilisent des urnes équipées de toboggans… Malheureusement, ce n’est pas en Europe que l’on trouve la plus grande diversité. Il faut aller en Australie, dans les pays tropicaux pour en voir de nombreuses espèces. Et aussi en Amérique du Nord, où on les appelle “Pitcher Plants”.
Qu’est-ce qui te fascine tant chez ces plantes ?
Leur façon originale de se nourrir, leur capacité à habiter des milieux très compliqués. Reproduire ces milieux n’est pas une tâche facile… Les cultiver non plus. Nous avons ici la Collection nationale de plantes carnivores, pas seulement une collection d’une seule espèce, c’est beaucoup beaucoup de travail. Nous leur avons consacré une nouvelle serre pour pouvoir montrer aux visiteurs la diversité phénoménale des plantes carnivores.
Existe-t-il des plantes carnivores de toutes tailles ?
Oui, les grandes se remarquent sans problème, mais il en existe aussi des minuscules, qui passent inaperçues. Certaines d’entre elles sont plus petites qu’un ongle ! Dans la région de Perth, dans le sud-ouest de l’Australie, il en existe qui finissent par former d’immenses tapis qui gobent tout ce qui leur passe devant le « bec ». On peut en voir sur le bord des routes. Le matin, quand le soleil se lève, on voit une multitude de petites gouttes brillantes. Il s’agit du liquide digestif des plantes. C’est un spectacle incroyable.
Quelles sont les stratégies des plantes pour se nourrir ?
Il existe plusieurs stratégies évidemment pour attirer les proies. L’une des plus intéressantes, c’est le cas chez les sarracénies par exemple, consiste à attirer des fourmis, des insectes grâce à la partie haute, très colorée de la plante. La proie est ensuite attirée par une odeur sucrée, une couleur, et elle entre dans le tube. Les poils, tous dirigés vers le bas, ne permettent pas à l’insecte de faire le chemin dans l’autre sens. Il va descendre le long de la surface très glissante, et tombe pour finir dans un liquide digestif hyper visqueux. La plante va mettre environ 3 semaines, un mois pour digérer une blatte dont l’exosquelette est très dur.
Chez les dionées, la tactique est différente et très intéressante. La « machoire » se présente en V. Chaque morceau de la mâchoire est équipé de trois poils orientés vers l’intérieur. Pour être capturé, il faut que l’insecte touche au moins deux des trois poils. Quand cela se produit, le piège se ferme et l’insecte est destiné à mourir. Pourquoi deux poils sur trois ? Il s’agit d’une technique de survie chez la dionée. Chaque piège ne peut fonctionne que trois fois, il ne peut capturer que trois fois. C’est pour cela qu’on demande aux visiteurs, les petits comme les grands, de ne surtout pas toucher aux mâchoires pour qu’elles parviennent à se nourrir.
Une carnivore moins connue, Roridula, a développé sa propre technique…
Il s’agit d’une espèce très rare que nous avons au Jardin botanique. Elle vient du Fimboos en Afrique du Sud. Comme elle ne parvient pas à fabriquer son propre liquide digestif, elle vit en relation symbiotique avec une punaise. Les insectes se collent aux poils de la Roridula, ils sont dévorés par une punaise du genre Pameridae dont les déjections sont absorbées par les feuilles de la plante… Chacun a besoin de l’autre pour vivre.
Nous sommes vraiment d’être fiers d’avoir ces plantes à Nancy et de pouvoir expliquer la symbiotique. Le souci, c’est qu’il faut leur trouver de la nourriture en hiver ! Pour les nourrir, je dois attraper des papillons de nuit, des blattes que je place sous la plante pour que les punaises viennent les manger. Je me suis lancé à la maison dans l’élevage de mites alimentaires pour nourrir les punaises !
Que peut-on encore découvrir chez les plantes carnivores ?
Je ne les connaissais pas bien au départ ces carnivores et j’apprends chaque jour. La personne qui s’en occupait avant moi me conseille beaucoup. Et puis, ici, on a vraiment décidé d’approfondir le sujet et cela me passionne. On est loin d’avoir exploré tout le sujet.
Conseils de culture
N’installez pas vos carnivores à côté des radiateurs.
Arrosez-les à l’eau de pluie, elles détestent l’eau calcaire du robinet.