Le jardin des Vigneaux, dans la Sarthe

Jardin des Vigneaux
©Didier Hirsch

Elle adore les plantes, jouer avec les couleurs. Il aime tailler en transparence, apporter sa vision graphique. Dans la Sarthe, à Souligné-Flacé, Catherine et Éric Bouteloup-Provost cultivent leurs passions communes dans le Jardin des Vigneaux.

Quand êtes-vous arrivés ici, à Souligné-Flacé ? 

Catherine : En 1980, nous avons eu un coup de cœur pour cette maison, une ancienne cure et son colombier du XVIe, qu’il a fallu complètement restaurer dans un premier temps. Les enfants étaient alors petits, nous avons fait un potager, mais pas grand-chose de plus. Quand ils sont devenus ados, l’envie nous a pris de nous lancer dans le jardin d’ornement. Nous avons eu la chance de rencontrer nos voisins qui étaient pépiniéristes. Ils nous ont conseillés, guidés et nous ont vraiment donné envie d’aller plus loin. 

Éric et Catherine ©Didier Hirsch
Éric et Catherine ©Didier Hirsch
Jardin des Vigneaux
©Didier Hirsch

Vous aviez alors des connaissances en matière de jardin et de jardinage ?

Éric : Pas du tout ! Nous avons toujours aimé visiter des jardins, mais nous n’avions qu’un tout petit bagage jardin. Notre voisin pépiniériste nous a pris par la main, fait des plans, guidé pour mieux connaître notre sol et les plantes. Depuis une quinzaine d’années, nous sommes des accros du jardin et peu à peu, nous avons appris en aménageant le jardin.

Comment a évolué votre façon de jardiner ?

Catherine : Au début, par exemple, nous avions planté des rosiers dans ce que l’on appelle La clairière aux roses. On tournait autour jusqu’au jour où nous nous sommes dit : “Les rosiers, c’est beau, mais pas en hiver…”  Alors, on a commencé à s’intéresser à tout ce qui est persistant, puis aux feuillages colorés, ensuite à la taille en transparence. Et tous les jardins que nous visitons continuent à nous inspirer. Chaque année, nous partons en groupe dans une région pour visiter un maximum de jardins et découvrir leurs infinies richesses, leurs différences. Les jardins du Champ de Bataille (Eure) et le Jardin clos du Préfonds (Creuse) ont des démarches totalement opposées qui nous nourrissent. Certains concepts nous tapent dans l’œil ! Mais quand il s’agit de les mettre en place, c’est parfois très compliqué, il faut bien l’avouer !

Jardin des Vigneaux
©Didier Hirsch

Quel est le voyage qui vous a le plus influencés ?

Catherine : La Creuse a été pour nous un voyage initiatique. Nous avons pu nous immerger dans des jardins (Val Maubrune, Arboretum de la Sédelle…) inspirés par la conception du jardin en mouvement de Gilles Clément. Ces visites nous ont ouvert les yeux et de nombreuses portes. Nous lisons aussi beaucoup, nous voyageons aussi beaucoup sur internet. On est curieux de tout. Et on se laisse aller à créer, à mettre en place des éléments qui peuvent nous surprendre dans leur évolution. C’est ainsi que nous avons, par exemple, imaginé et planté notre voute de noisetiers.

Quelles sont vos dernières envies ou réalisations ? 

Éric : Actuellement, l’idée c’est de travailler sur les jardins d’ombre claire. Nous avons été inspirés par des visites de jardins dans la Creuse et notamment celui de Val Maubrune. On travaille donc sur la lisière de notre terrain avec des fougères, des fatsias… Et beaucoup d’aspidistras dont nous avons récemment découvert la diversité et l’existence de variétés rustiques à -15°C. 

Aspidistra ©Isabelle Morand
Aspidistra ©Isabelle Morand

La passion du jardin vous a tellement embarqué que vous avez acheté le terrain attenant ?

Éric : Oui, il faut savoir que c’était tentant ce terrain juste à côté. Donc, nous l’avons acheté et planté depuis quelques années. 

Dans votre jardin des Vigneaux, pas de sol nu. Comment paillez-vous ?

Catherine : Oui, c’est dans l’air du temps et surtout très efficace pour protéger et nourrir le sol. Notre terrain fait aujourd’hui environ un hectare et il faut trouver des moyens pour se simplifier la tache et pour que les plantes vivent au maximum en autonomie. Le BRF, le nôtre et celui fourni par un voisin, permet de limiter grandement l’arrosage, d’accompagner le changement climatique et notamment des étés de plus en plus chauds et secs. On arrose que les pots.

©Isabelle Morand
©Isabelle Morand

Nos pratiques ont beaucoup évolué. Et puis cela s’inscrit aussi dans la lourde tendance du jardin naturel. Nous utilisons aussi les tontes de gazon. Avant de planter le bosquet des Korrigans, nous avons empilé du BRF, des tontes sur 20 à 30 cm. On en a remis deux fois dans l’année avant de passer aux plantations l’année suivante. Les vers de terre et leurs copains ont fait un super boulot. Il n’y avait plus qu’à faire un trou et installer les plantes. On est toujours étonnés par la rapidité de la décomposition ! On a l’impression de passer notre temps à remettre du BRF partout !

Et que faites-vous des déchets ?

Catherine : Ils nous aident aussi ! Pour travailler la lisière, on les a déposés en ligne sur 60 cm et on a laissé faire la nature pendant 6 mois. Au bout de ce délai, les plantes sont venues trouver leur place dans une bonne terre. Nous avons aussi remarqué que ces empilements de paillis et matières créent naturellement des massifs et des plates-bandes légèrement surélevées au final. Et c’est une très bonne chose, car notre terre est lourde et argileuse. Depuis quelques années, les végétaux souffrent moins l’hiver, car ils ont moins les pieds dans l’eau.

Selon vous, vous avez un jardin des Vigneaux ou plusieurs jardins ?

Catherine : C’est un seul jardin avec différentes mises en scène reliées par un fil conducteur, des cheminements. On cherche toujours à construire ce fil, relier les espaces. Au départ, nous avons beaucoup planté en isolé. Chaque année, on travaille sur les liens entre les différentes parties. Il y a deux ans, on s’est rendu compte qu’on avait encore des arbres plantés en isolé qui avaient bien grossi. Nous avons décidé de les déplanter, les replanter, recréer des massifs, refaire des cheminements, retravailler les mises en scène en pensant à des jardins visités par exemple. Au fil des années, certains végétaux ne sont plus vraiment à leur place. Nous avons par exemple découvert un Physocarpus quasi en plein milieu d’un chemin. On l’a déplanté pour ouvrir une nouvelle perspective. 

Jardin des Vigneaux
©Didier Hirsch
Jardin des Vigneaux
©Didier Hirsch

Vous retravaillez souvent les perspectives ?

Éric : C’est un travail permanent ! On aime cheminer, découvrir ce qui se cache derrière un arbre, une grille. En même temps, le jardin doit rester « aéré ». Pas question d’avoir des « murs » végétaux qui bloquent la vue. Avoir retravaillé la lisière nous permet d’avoir de belles perspectives sur les champs, la campagne où poussent du colza, du lin… 

Astuce pour les bambous ©Didier Hirsch
Astuce pour les bambous ©Didier Hirsch

Chez vous le printemps se décline en blanc, jaune, doré… Pourquoi ?

Éric : Nous aimons tout ce qui éclaire ou illumine le jardin ! Les fusains dorés sont vraiment des arbustes parfaits pour jouer ce rôle. Et puis, j’ai une réelle aversion pour les tulipes colorées, leurs couleurs criardes. Ici, les tulipes sont toutes blanches et elles se marient bien avec les narcisses (N. triandrus ‘Thalia’ ou N. poeticus). J’aime bien aussi les verts acidulés.

Jardin des Vigneaux
©Didier Hirsch
Jardin des Vigneaux
©Isabelle Morand

Êtes-vous tenté par le jardin naturaliste ?

Éric : Oui, mais on ne se sent pas encore de taille à se frotter avec lui ! Notre voisin s’est lancé dans l’expérience, mais cela nous paraît encore très compliqué d’arriver à jouer avec les adventices. Même si on sait très bien que cela fonctionne pour l’avoir constaté chez le pépiniériste Antoine Breuvart, dans les Hauts-de-France. On y pense, mais travailler avec de la potentille et du liseron, ça demande vraiment une grande capacité d’ouverture d’esprit ! On y viendra sans doute un jour ou l’autre…

Comment voyez-vous évoluer votre jardin ?

Un jardin, ce n’est jamais fini. Il va falloir penser à ce que l’on va faire avec nos bruyères qui vieillissent, certains conifères qui, au soleil, ne se portent plus très bien. Cela nous oblige à réfléchir, confronter nos expériences avec d’autres jardiniers. 

©Didier Hirsch
©Didier Hirsch
Jardin des Vigneaux
©Didier Hirsch

Inscrivez-vous
pour recevoir [Brin d'info]

dans votre boîte de réception,
chaque semaine.

Nous n’envoyons pas de messages indésirables ! Lisez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.

210 Shares
Share via
Copy link