Le Conservatoire du Bégonia de Rochefort, en Charente-Maritime, est riche de quelque 1800 espèces abritées sous une grande serre. Un lieu magique où la beauté épouse la nature et la science. Il vous réconciliera définitivement avec cette plante parfois un peu malaimée. Nous avons interrogé le très savant Patrick Rose, son directeur depuis plus de trente ans.
Comment est né le Conservatoire du Bégonia ?
Patrick Rose : on en doit l’origine à un petit horticulteur du Val-d’Oise, nommé Vincent Millerioux, collectionneur et maraîcher depuis les années 1945. C’est un horticulteur « ancienne manière » avec des serres basses, des sols en terre battue des tunnels en plastique… Il s’intéresse alors à des plantes un peu rares.
On lui doit par exemple l’introduction en France du Poinsettia (l’étoile de Noël) venu des États-Unis. Dans les années 60, Vincent Millerioux découvre le Begonia rex, bégonia à feuillage. Et il commence une collection.
Comment opère-t-il ?
Ce n’est pas facile. Il ne parle pas anglais ce qui complique les choses, car les échanges se font surtout avec la Grande-Bretagne et les États-Unis. Mais il a des amis dans le Nord et en Belgique où il hérite de la collection du lycée horticole de Liège. Cette dernière a elle-même hérité, du Jardin botanique de Liège, la plus grande collection européenne de l’entre-deux-guerres. En 1985, Vincent Millerioux possède 250 bégonias. C’est la plus grande collection privée de France à l’époque. Mais en 1985-86, en raison d’hivers un peu difficiles, il est obligé d’arrêter et de la revendre. La ville de Rochefort-sur-Mer qui, grâce à Michel Bégon, a un lien important avec cette plante s’en porte alors acquéreur.
Quand êtes-vous arrivé au Conservatoire ?
Je suis arrivé au mois de juin 1987. Dès cette année-là, nous avons pris la décision de construire une serre suffisamment lumineuse et spacieuse pour accueillir l’intégralité de la collection. En effet, celle-ci s’accroissait très rapidement. Étant originaire de l’Aisne et ma femme de Lorraine, nous remontions voir nos familles une ou deux fois par mois. Voyages de 800 km, en voiture, au cours desquels nous nous arrêtions dans toutes les jardineries. C’est ainsi que nous avons pu acheter 150 bégonias en six mois !
L’ouverture du Conservatoire au public s’est faite en juin 1989. Depuis, la collection s’est encore agrandie. Tout comme la serre qui atteint 1000 m2 au total. Aujourd’hui, nous possédons entre 1700 et 1800 bégonias différents.
Pouvez-vous préciser le lien entre le bégonia et Rochefort ?
Il tient à un homme nommé Michel Bégon, intendant du roi Louis XIV. Né en 1638, celui-ci occupe des postes à Brest, Toulon, le Havre et Marseille d’où il organise une expédition aux Antilles de 1685 à 1688. Il y envoie Charles Plumier, moine botaniste qui va faire quelques découvertes majeures : le magnolia, la vanille, le fuchsia et le bégonia. Il dédicacera ce dernier à Michel Bégon. Cette dédicace botanique – la première de l’histoire- a été faite à un « honnête curieux ». Michel Bégon est passé à la postérité sans être botaniste lui-même, et sans s’être douté que ces plantes porteraient, un jour, son nom !
Quand est né le bégonia?
Les premières plantes ainsi nommées apparaissent, chez nous, sur une demi-douzaine de dessins de Charles Plumier. Elles passent à la postérité en 1700 dans les annexes de l’ouvrage de Joseph Pitton Tournefort, Institutiones rei herbariae. En fait, cette plante découverte sous d’autres noms existe depuis 110 millions d’années, à une époque antérieure à la dérive des continents. À partir des bégonias découverts sur les îles d’Amérique, on va peu à peu découvrir des plantes similaires en Asie et en Afrique et se rendre compte de l’amplitude du genre bégonia. Aujourd’hui, il est le cinquième ou sixième genre numériquement le plus important dans le monde et vit sur trois continents : l’Amérique (du Nord, Centrale et du Sud), l’Asie (du Sud-est) et Afrique (de l’Ouest et du Sud). On continue à décrire de nouveaux bégonias continuellement, un peu partout. De 2015 à 2020, on en a découvert plus de 500. Le bégonia se caractérise par son polymorphisme et sa capacité d’adaptation considérable.
Comment faites-vous cohabiter des bégonias venant de milieux et de climats si différents ?
Au sein de la collection, nous avons autant de diversité de culture qu’entre un figuier et un choux-rave ! Car, en plus de provenir de trois continents différents, nos bégonias poussent à une altitude allant de 0 à 4000 mètres. Ce qui produit des variations de température et de spectre lumineux. Certaines plantes sont rustiques, vivent en plein soleil. D’autres à l’ombre et à l’humidité. On les place à différents endroits. Certaines sont contre la paroi est des serres, d’autres dans des terrariums, d’autres sous les tables. Certaines reçoivent de l’eau tous les deux jours, d’autres toutes les trois heures, toutes les heures ou à la demande. Leurs milieux sont complètement différents. En fait, elles ne cohabitent pas tant que ça et tant bien que mal ! C’est un peu de la haute couture. On les suit, on les déplace, on les multiplie, on vérifie leur état. Elles sont belles parce qu’on les remue et on les change en permanence.
Le Conservatoire du Bégonia est ouvert toute l’année sauf aux mois de décembre et janvier. Renseignements pratiques ou sur ses collections : ICI ou LA
Pour toute information sur Rochefort et ses environs : l’Office du Tourisme