Installée dans le centre agroécologique La Rivoire, dans la Loire, Osmie, la pépinière de Philipp Schroeter propose des plantes dont les graines ont été récoltées dans la nature, et aussi des plantes potagères vivaces, aromatiques et médicinales. Une chouette découverte sur la Foire aux plantes rares au château de la Ferté au printemps dernier !
Hortus Focus : Où se trouve précisément votre pépinière ?
Philipp Schroeter : Osmie est une des entreprises d’un centre agroécologique installé dans les monts du Pilat, entre Ardèche et Loire, à Saint-Julien-Molin-Molette. Elle fait partie d’une coopérative qui comprend des paysans, des boulangers, des maraîchers. Nous sommes une dizaine à travailler sur place. Nous faisons aussi chambre d’hôtes et organisons des formations en permaculture. Nous sommes deux à nous occuper d’Osmie.
Quelles sont les spécificités d’Osmie ?
Depuis huit ans, on travaille sur deux axes principaux. Le premier, c’est la biodiversité à travers des récoltes de graines dans le milieu naturel, puis de production de plants à destination des jardiniers, mais aussi des communes. Nous bénéficions du label « végétal local » de l’OFB (Office français de la biodiversité) et travaillons avec des conservatoires botaniques.
Second axe : la production de légumes vivaces, plantes aromatiques et médicinales.
Votre travail sur l’importance de la biodiversité a-t-il été tout de suite compris ?
Il y a 8 ans, le message ne passait pas aussi bien qu’aujourd’hui. Désormais, les gens ont compris l’intérêt de la biodiversité et l’importance des plantes issues de milieux naturels. Elles supportent mieux les épisodes de sécheresse notamment. À la Ferté, par exemple, on peut dire qu’on a maintenant des clients fidèles. Nous sommes vraiment très heureux de les voir revenir d’année en année pour se fournir en légumes vivaces par exemple ou en plantes qui se moquent du chaud et de la sécheresse.
Vous récoltez vous-mêmes les graines ?
Oui, mon grand bonheur c’est de prendre un sac à dos et de partir pendant deux jours sur les stations de cueillette. On récolte, on achète très peu. J’adore ces promenades, car elles continuent de m’apprendre beaucoup de choses. Je vois les plantes dans leur milieu naturel, les associations qui se font dans les prairies ou ailleurs. Je trouve passionnant d’observer les stratégies de survie des plantes. Souvent, je ne vide pas les terrines de semis, car il y a toujours des graines qui prennent leur temps et germent plus tard.
Comment cultivez-vous vos plantes ?
À la dure ! Nous avons une serre pour protéger les semis et les jeunes plants. Mais une fois la période délicate passée, tout le monde vit dehors ! Comme dans la nature.
Devez-vous, dans la Loire, faire face aux changements climatiques ?
Oui, c’est flagrant. Ce qui est pour moi un élément parmi les plus inquiétants, c’est qu’il n’y a plus de régularité. Les hivers sont secs, les printemps aussi. Et dans notre région, nous avons peu de nappes phréatiques. Auparavant, les grosses chutes de neige et leur fonte alimentaient ces nappes. Comme il neige beaucoup moins, les nappes ne se remplissent pas assez… et se vident plus vite évidemment. Dans les forêts qui nous entourent, on remarque que les frênes ne vont pas très bien, les sapins, les pins de Douglas galèrent. Seuls les cèdres de l’Atlas se portent vraiment bien.
Vous avez pris des initiatives pour lutter contre ces changements ?
On essaye d’installer d’autres plantes, qui ont fait leurs preuves plus au sud. Nous avons choisi d’améliorer la migration des arbres. Nous voulons créer un système diversifié, résilient. On plante des haies ; entre les arbustes, on a installé des arbustes fruitiers. Dans la pépinière, on plante des arbres pour faire de l’ombre aux autres plantes, on recrée des microclimats. Ce n’est pas un sujet facile. On ne sait pas vraiment ce qui peut se passer, ce qui va se passer… Une seule certitude : la logique de culture de plein champ en plein cagnard, c’est terminé, même pour le potager !
Vous avez toujours été pépiniériste ?
Non. Je suis architecte-paysagiste de formation. Je me suis tourné vers la production, car je ne trouvais pas les plantes que je voulais pour mes chantiers. Alors, j’ai commencé à cueillir des graines, à les semer, à multiplier les propres d’avoir pour les propres besoins de la société. Maintenant, je fais encore un peu de conception, j’accompagne aussi les particuliers pour lesquels j’ai fait des jardins, car j’aime conserver des liens et travailler avec eux sur l’entretien ou de nouvelles plantations. Comme de longs partenariats. Mais je suis tout de même beaucoup plus occupé par la production !
Vous intervenez partout ?
Ah non, pour les chantiers, c’est autour de Saint-Étienne, Annonay, dans un rayon d’une heure autour d’Osmie. Je veux rester dans le local.
Les choix de Philipp Schroeter
Les plantes qui soignent les plantes
Il ne s’agit pas de remèdes miracles, mais un élément du cercle vertueux : présence d’auxiliaires, plantes mellifères, sol riche en matière organique, plantes qui peuvent s’entraider.
L’Achillée millefeuille (Achillea millefolium)
C’est, pour moi, une excellente plante. Les fleurs attirent les abeilles et les papillons. En décoction non diluée, les capitules frais activent la décomposition du compost. En macération (fleurs sèches à raison de 20 g/L), elle peut aider à prévenir le mildiou. En fin de saison, on peut aussi l’utiliser comme paillage. C’est aussi une plante médicinale. Enfin, comme elle tient très bien la sécheresse, vous pouvez l’installer dans un coin de jardin : elle remplacera le gazon ! Et comme à la tendance à se ressemer et à drageonner, elle gagnera de la place si vous ne la limitez pas.
La mélisse (Melissa offinicalis)
Nous l’utilisons beaucoup en aspersion contre les pucerons quand ils sont très nombreux, comme la tanaisie (Tanacetum) et l’ortie. On peut aussi s’en servir en paillage pour repousser les fourmis.
Le serpolet (Thymus serpyllum)
C’est une Rosacée très utile pour fortifier les plantes. Sa simple présence suffit pour un effet sur la bonne santé et la croissance de plantes comme les arbres fruitiers, les rosiers ou les framboisiers.
Consoude et tanaisie sont également très utilisées dans la pépinière.
La saponaire (Saponaria officinalis)
Ce n’est pas la plante que j’utilise le plus, mais je l’aime bien, car elle pousse aussi bien dans un sol sec qu’un terrain humide, et ses fleurs roses sont très jolies.
Les plantes mellifères
Chez Osmie, nous en produisons beaucoup pour amener cette biodiversité indispensable à tous les pollinisateurs, pas seulement pour les abeilles qui font du miel. Nous on s’intéresse plutôt à tous les autres pollinisateurs, les abeilles sauvages, les bourdons, les mouches, les abeilles charpentières… et nous essayons de leur fournir gite et couvert à longueur d’année.
L’origan (Origanum vulgare)
Pour les papillons, nous cultivons des bandes d’origan. L’été s’y posent des nuées de papillons. C’est magnifique et une aubaine pour eux. Nous récoltons les graines après.
La marjolaine (Origanum majorama), l’hysope (Hysope officinalis) sont également tout indiquées, car elles fleurissent en été et peuvent remonter si la pluie tombe !
Les légumes vivaces
Pas de tromperie sur la marchandise. Perpétuels ne veut pas dire éternels ! Ils vivent plusieurs années au jardin, et vous pouvez les vieilles touffes en plusieurs éclats pour les replanter ailleurs et c’est reparti pour quelques années.
La grande passerage (Lepidium latifolium)
Cette plante, très rustique, a été cultivée dans les jardins médiévaux. Le pied que nous avons chez Osmie a été trouvé au pied d’un château fort dans le sud de l’Allemagne. Les racines ont un goût poivré. Les jeunes feuilles lancéolées ont une saveur très piquante, on les consomme fraîches en accompagnement d’une salade par exemple.
La campanule raiponce (Campanula rapunculus)
Feuilles, racines, fleurs… On peut tout consommer chez cette plante à installer au potager ou au jardin d’ornement qu’on appelle aussi bâton de Saint Jacques ou raiponce cultivée. Feuilles et fleurs peuvent être ajoutées à des salades. Les racines se consomment soit crues (il faut cependant les râper) ou les cuire à l’eau.
Le chénopode bon-henri (Blitum bonus-henricus)
Il revient tout doucement dans les potagers. C’est un légume facile à faire pousser, facile à vivre. On en trouve dans les prairies humides par chez nous et on récupère les graines.
Deux plantes locales
Le salsifis à feuille de crocus (Tragopogon crocifolius)
Je l’ai choisi pour la beauté de ses fleurs rouges à auréole orangée qui se dressent à environ 80 cm. Les feuilles sont nombreuses et toutes fines.
L’anthémis des rochers (Anthemis cretica subsp. saxatilis)
Une petite plante que je vous conseille pour la rocaille. Elle ne dépasse pas 30 cm de haut. Les fleurs ressemblent à des marguerites, mais en plus petit.