Jardins de Freÿr : un trésor vert en Wallonie

Les étonnants jardins du château de Freÿr-sur-Meuse se déploient sur  un site magnifique en bordure de fleuve, non loin de Dinant. Inscrits (avec le château) sur la liste du patrimoine exceptionnel de Wallonie depuis 1993, ils conservent une collection d’agrumes rare et très ancienne. Rencontre avec Sébastien Conil, responsable du lieu.

Hortus Focus : sur quelle surface s’étendent les jardins de Freÿr ?

Sébastien Conil : le jardin XVIIIe, conservé en l’état, fait plus ou moins deux hectares. Le site vraiment jardiné (incluant le premier) en fait cinq. Les bois jardinés (espace intermédiaire entre le jardin et les bois) font à eux seuls 7 ou 8 hectares auxquels s’ajoute le bois à proprement parler. Plus ou moins 800 hectares de terres agricoles sur le plateau, des rochers en face… En fait, le domaine est énorme.

Racontez-nous son histoire

Le cœur du jardin existait à la Renaissance, mais il a été remanié au XVIIIe siècle. Ensuite, il est resté complètement dans son jus. Depuis 1376, époque du premier seigneur de Freÿr, jusqu’à aujourd’hui, le château n’a jamais été vendu. Il est passé de main en main, dans la même famille, jusqu’à ses occupants actuels, les Bonaert.

Freÿr - Sébastien Conil ©Valérie Collet
Sébastien Conil ©Valérie Collet
Oranges amères ©V.Collet
Oranges amères ©V.Collet

Quelle est la spécificité du jardin de Freÿr ?

C’est vraiment un jardin classique XVIIIe à la française dans un mouchoir de poche, entouré d’un écrin végétal sauvage. Sa force, c’est le contraste entre le structuré et le sauvage.

Quels sont ses végétaux les plus remarquables ?

La collection d’agrumes. On a les plus vieux orangers d’Europe en caisse. Ils ont plus de 300 ans, 310 à 320 ans pour les plus vieux.  Ce sont des bigaradiers qui donnent des oranges amères. Collection complétée par deux vieux lauriers, des orangers doux, des kumquats, des citronniers, car ceux du XVIIIe siècle ne nous sont pas parvenus.

Depuis combien de temps travaillez-vous ici ? 

Depuis sept ans. Je suis paysagiste de formation, mais j’ai aussi fait des études d’histoire de l’art, car je souhaitais travailler dans des jardins historiques. J’ai eu mon entreprise d’aménagement de jardin jusqu’au jour où l’on m’a proposé de m’occuper de ce site. Je connaissais le propriétaire depuis longtemps et j’étais un peu amoureux des lieux. Alors j’ai accepté. J’aimais l’idée de suivre un jardin au jour le jour au lieu d’en créer un et puis de le perdre de vue. Avec toutes les générations de jardiniers qui m’ont précédé, on hérite de quelque chose de très fort. Et puis, il faut comprendre ce qui a été fait et le continuer. 

Le parterre d'agrumes avec, au fond, l'orangerie ©Valérie Collet
Le parterre d'agrumes avec, au fond, l'orangerie ©Valérie Collet

Le jardin de Freÿr est-il difficile à entretenir ?

Il est harassant ! Il a six kilomètres de haies à tailler. Il y a aussi tout le désherbage mécanique et manuel, couper les bordures du parterre… Il faut lutter pour qu’il ne redevienne pas un sauvageon. Nous sommes trois jardiniers, aidés par un jeune stagiaire. Mais aussi parfois des jobistes, et monsieur Bonaert qui, tout l’été, taille facilement trois heures par jour.

Quel lien entretenez-vous avec ce jardin ?

Un lien très fusionnel ! Je suis attiré par l’esprit du lieu. Quand j’arrive à quelques kilomètres, je me sens déjà connecté à lui. J’aime aussi beaucoup me connecter à certains arbres, j’aime capter le lieu, les informations, me mettre à son diapason. Et puis après, c’est le travail. Ce que je trouve passionnant c’est la manière dont les arbres se laissent tailler, former. Et puis ces agrumes qui sont presque comme des bébés ou des vieillards, tellement ils sont dépendants. Comme ils sont en caisse, il faut soit les arroser, soit les rentrer en hiver. C’est un lien particulier de culture.

Ces agrumes demandent-ils des soins particuliers ?

Ils sont tous malades. Donc c’est des soins palliatifs, on va dire. On essaie de renforcer la plante au maximum, notamment avec des purins de plantes. On travaille le substrat que l’on a choisi fort drainant. On arrose beaucoup l’été, mais on limite le risque de pourriture de motte en hiver dû à l’excès d’humidité. Pour en revenir aux maladies, il y a les  latentes, comme le phytophthora, il y a des viroïdes et le virus tristeza qui s’est introduit par des plantes d’origine méditerranéenne. Heureusement, ici il est relativement calme et maitrisé. Mais dès qu’il y a un stress, ça le relance.

Transport d'un arbre dans l'orangerie ©Valérie Collet
Transport d'un arbre dans l'orangerie ©Valérie Collet
Freÿr - Haie avec buste en terre cuite ©Valérie Collet
Haie avec buste en terre cuite ©Valérie Collet

En y réfléchissant, ça ne paraît pas très logique d’avoir des agrumes en bord de Meuse. Ce sont des arbres méditerranéens tout de même !

Ce n’est pas un caprice de luxe, mais on n’en est pas loin ! Heureusement, la nature ici nous aide quand même et nous protège. On a beaucoup d’hirondelles et des chauves-souris, donc il y a une lutte naturelle contre les insectes assez équilibrante pour le lieu. On a des plans d’action pour la sauvegarde des chauves-souris, avec notamment une maternité dans une grange. Quatre ou cinq individus y mettent bas chaque été.

Le jardin du château de Freÿr-sur-Meuse est ouvert du 1er avril au 16 novembre 2025. Pour plus d’informations, cliquez ICI

Pour plus d’informations sur la Wallonie, cliquez LA 

À consulter : le tout récent Guide des Jardins remarquables en Wallonie, éditions du patrimoine, 104 pages, 11 euros.

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