Passé par la case entreprise de semences, puis après un très long séjour dans les pépinières Jean Rey, Bruno Pellegrin a ouvert sa propre pépinière, Sécateur et Fourchette, à Hyères, dans le Var. Il produit des plantes aromatiques, condimentaires et plus de 250 espèces et variétés fruitières, dont certaines originales, exotiques et rustiques.
Hortus Focus : cultiver, produire, c’était une vocation ?
Bruno Pellegrin : je ne sais pas si on peut parler de vocation, mais à 14 ans, j’ai commencé à m’intéresser au végétal en donnant un coup de main à mon père au potager. À 15 ans, je suis entré dans un lycée agricole. J’aurais pu et surtout voulu continuer, mais la vie a fait que, deux ans plus tard, j’ai été obligé de commencer à travailler.
Quelles ont été tes expériences ?
Je n’ai pas multiplié les employeurs en fait. J’ai trouvé un emploi chez Clause, une entreprise et un job très formateurs. J’y ai appris la rigueur dans l’organisation du travail, dans la gestion, dans la reconnaissance des variétés. Je travaillais dans un centre de recherche à Brétigny-sur-Orge, dans l’Essonne. On y cultivait des plantes sur lesquelles les sélectionneurs faisaient leurs croisements et menaient leurs recherches sur les créations variétales. Pas question de mélanger les graines !
Puis, direction le Sud ?
Oui, je suis parti m’installer dans le Var pour travailler dans les anciennes pépinières Jean Rey. C’était alors la plus grosse pépinière de France. On a été jusqu’à 220 salariés pour travailler sur 220 hectares. J’y étais responsable de production sur plusieurs exploitations. Après une trentaine d’années, j’ai senti que les pépinières n’allaient sans doute pas tenir beaucoup plus longtemps et j’ai commencé à réfléchir à mon avenir, à mes envies.
Quand la pépinière a-t-elle ouvert ses portes ?
J’avais décidé de me lancer, mais pour faire quoi ? Je savais qu’il fallait que je détermine une stratégie avant de recevoir mes premiers clients (chose faite en avril 2017). J’avais envie de produire des arbres fruitiers exclusivement, mais un ami m’a conseillé de faire aussi des plants potagers. L’intérêt avec les plants potagers et les plantes aromatiques, quand on démarre une entreprise, c’est qu’on achète les graines, on achète le terreau, on fait les plants et deux mois après, on les revend. La marge n’est pas énorme, mais ça permet de faire rentrer rapidement un peu de sous.
J’ai donc proposé des aromatiques annuelles, puis des aromatiques vivaces, puis des framboisiers, puis des petits fruits, puis des légumes perpétuels… Ma passion fait qu’aujourd’hui je propose deux catalogues dans l’année avec plusieurs centaines de variétés.
As-tu eu envie alors d’arrêter la production d’arbustes fruitiers ?
Ah non ! Et j’en propose environ 250 entre les fruitiers classiques à feuillage caduc et les fruitiers exotiques.
Que proposes-tu en fruitiers exotiques ?
J’ai plusieurs variétés d’avocatiers, du carambolier, des feijoas, du chérimolier, des cerisiers de Cayenne, du groseillier de Ceylan, des manguiers, du jambier, du tamarinier. Et du pitaya (fruit du dragon). Alors, leur culture est réservée aux régions comme ici, où il fait chaud et très ensoleillé. J’ai fait venir des graines d’autres pays, les ai semées. Actuellement, c’est une période de test.
Et côté fruitiers classiques ?
J’ai beaucoup de pistachiers, d’amandiers, de nombreuses variétés de figuiers, pas mal de grenadiers et de variétés de vigne aussi. Je travaille avec deux pépinières françaises qui font de la multiplication. J’achète les scions à racines nues et après, je les forme. L’hiver, je propose aussi à mes clients des fruitiers en racines nues, mais ce n’est pas moi qui les produis. J’ai l’expérience pour le faire, j’ai un terrain assez grand, mais là, je commence à manquer de temps…
C’est très difficile, dans le Var et ailleurs, de trouver des terres pour s’installer. Comment y es-tu parvenu ?
Le terrain appartient à la commune de Hyères, et il y a un bail emphytéotique entre la commune et le lycée agricole qui se trouve à 5 km de la pépinière. Trop loin pour pouvoir exploiter le terrain. J’ai présenté mon projet à la proviseur de l’école qui l’a trouvé pertinent. Je leur ai proposé aussi un partenariat pédagogique. Jusqu’à présent, je n’ai pas donné de cours au lycée, mais j’ai reçu des élèves à plusieurs reprises. Une façon d’assurer la partie pratique de leurs cours. Comment organiser un chantier de travail, comment bien tuteurer, comment repérer les variétés par un système de code couleur…
Il te reste du temps pour faire ce que tu aimes, c’est-à-dire chercher, glaner, découvrir ?
Oui, je le prends… quand je peux ou quand il me manque quelque chose. C’est comme ça que j’ai découvert un thym différent. Un maraîcher de Ramatuelle avait besoin d’énormément de thym pour faire des bouquets garnis pour les restaurants du golfe de Saint-Tropez. Une quantité phénoménale ! Et je manquais de matière première pour multiplier. Je suis donc allé dans les collines prélever des boutures. J’ai démarré en avril 2023 par le col de la Bigue à Rocbaron et trouvé un thym commun, mais au goût différent, qui pousse sous les pins ! En avril 2024, je suis monté sur la crête de la Sainte-Baume. Je suis tombée sur des thyms complètement compacts, qui poussent dans des fissures, habitués à recevoir un ensoleillement intense. Un Thymus vulgaris avec un goût différent sur lequel j’ai prélevé de quoi faire des boutures de ce que je surnomme « le thym de la Sainte-Baume ». Je l’ai précisément trouvé à l’aplomb de la grotte de Marie-Madeleine.