Doit-on renoncer au gazon ? Oui, mais non ! Enfin, pas forcément ! Il faut d’abord distinguer ce qu’on nomme gazon, de la pelouse. Ils n’ont pas la même histoire et ne recouvrent pas la même richesse botanique. De la prairie au gazon, un cheminement…
Pelouse vs gazon
C’est vert, mais ce n’est pas pareil !
Le gazon
Le gazon est composé de graminées. C’est cette composition presque monospécifique qui lui donne son aspect uniforme et dense. On l’utilise pour les espaces sportifs, comme les golfs ou les terrains de foot. Il est tondu en permanence pour garder son aspect de tapis. La vie ne peut pratiquement pas s’y installer. Le gazon ne résiste pas au stress hydrique et demande donc de fréquents arrosages. À notre époque, c’est un peu embêtant.
La pelouse
La pelouse, quant à elle, est plus diversifiée. Elle peut contenir des graminées, mais aussi d’autres types de plantes, comme du trèfle, des pâquerettes ou des fleurs sauvages. On devrait la tondre moins souvent de sorte que les fleurs aient le temps de s’y déployer. Et dans ce cas, elle accueille la vie de la toute petite faune. Si vous la laissez suffisamment haute, elle peut résister aux grandes chaleurs. Sa grande qualité est de rafraîchir le sol, rendant l’habitat des petites bestioles plus agréable.
La pelouse, un espace de vie partagée
Bon, soyons clairs, si vous ne jouez pas au foot pro, privilégiez la pelouse au gazon dans votre jardin. Si vous bénéficiez d’un espace suffisant, conservez une pelouse pour les activités de loisir et de convivialité, et laissez pousser tout autour. Car si le jardin est notre espace de vie, nous pouvons bien le partager avec d’autres.
Ainsi, les vers de terre, les papillons, libellules, oiseaux et grenouilles peuvent s’y plaire et nous faire profiter de leurs couleurs et chants. Les hérissons, lucanes, guêpes, abeilles et coccinelles s’y installent et contribuent aux équilibres des écosystèmes, donc du jardin. Tous les pollinisateurs sont les bienvenus !
La pelouse, une oasis de fraîcheur
La pelouse, parce qu’elle est plus diversifiée, offre de meilleurs habitats aux animaux. Mais ce n’est pas tout. Elle produit une ombre qui permet au sol de rester plus frais l’été, à condition de n’être pas tondue trop ras. L’humidité qui s’en dégage a pour effet de faire descendre la température au niveau du sol et d’éviter de multiplier les arrosages. Et, cerise sur le gâteau, au lieu d’un paillasson tout jaune, vous conservez un espace vert.
“Les grandes herbes captent l’humidité de l’air, ce qui est particulièrement important en été. Elles empêchent le soleil d’atteindre directement le sol et limitent l’évaporation. L’herbe blanche a également un effet d’albedo. Pensez aux maisons grecques peintes à la chaux. Le blanc reflète les rayons du soleil et limite la chaleur. Le phénomène est le même dans un jardin. Toute la zone enherbée sera moins chaude.” Éric Lenoir, jardinier paysagiste, sur France info
Une étude de l’Université de Californie a révélé que la température du sol sous une pelouse pouvait être jusqu’à 10°C plus fraîche que celle d’un sol nu en plein soleil. Une bonne raison de choisir la chaise longue plutôt que la tondeuse !
Ne tondez pas trop, pratiquez la tonte différenciée
L’objectif principal est de favoriser la biodiversité en créant des zones refuges pour la faune et la flore, tout en conservant des zones où boire un verre et déguster un repas. Il ne s’agit pas de priver les enfants de ballon ou de balançoire, mais de réserver des espaces à la petite faune. Les zones les plus proches de la maison ou les allées sont tondues régulièrement pour permettre une circulation facile. Les zones les plus éloignées ou les moins visibles, sont peu coupées, voire pas du tout pendant certaines périodes de l’année. Cela permet aux plantes sauvages de fleurir et de produire des graines, pour nourrir les insectes, oiseaux et autres animaux. Vous n’y perdrez pas, car c’est très beau !
Enfin, pensez à créer des haies habitables !
La pelouse, une création humaine
La pelouse est une création purement humaine. Elle n’a rien de naturel. Elle est apparue au Moyen-Âge. Les villageois partageaient des “communaux”, c’est-à-dire des prairies partagées par les troupeaux. Peu à peu, sous la dent des ruminants, ces espaces tondus de près sont nommés pelouse. Ce nom vient du latin pilosus qui signifie poil et qu’on retrouve dans pilosité. L’aristocratie des châteaux y trouve un avantage : on voit les ennemis arriver à découvert.
Le gazon, une symbolique de puissance
Les jardiniers et les paysagistes de l’époque du Roi-Soleil (XVIIe) se laissent séduire par ce grand tapis vert qui accompagne si proprement les lignes droites. On l’associe au divin. Car l’herbe précède le jardin d’Eden au sein duquel Dieu installe les arbres et les humains. On parle alors de prairie divine pour ce pré ras émaillé de quelques fleurs colorées. Cette surface herbeuse devient la base du paysage.
Autour de la maison
Un gazon bien ras, bien maîtrisé, raconte au passant une maison bien tenue et un foyer en bon ordre. Si l’herbe est hirsute, vous entendrez vite : “ça fait sale” ! Mais quelle absurdité, comment de l’herbe poussée naturellement pourrait-elle “faire sale” !
C’est que, notre rapport à l’esthétique de nos jardins, dépend non seulement de l’air du temps, mais aussi et surtout de notre relation au monde et à la nature. Il est clair que nous sommes les héritiers d’une ère de domination de la nature qui nous conduit à penser qu’un gazon doit bien se tenir. Alors, on sème des variétés fabriquées. Nous tondons dès que la nature se laisse aller. Et de fait, nous réduisons la biodiversité dans nos jardins.