L’oasis citadine à Montpellier

L'oasis citadine

À Montpellier, le château de Flaugergues accueille depuis 3 ans le projet de l’Oasis citadine. Objectifs : permettre aux citadins de se réapproprier leur alimentation, et permettre aux urbains de profiter de tous les bienfaits du jardinage.

Main dans la main

Sébastien Girault, Maxime Pernel, Germain Dufraisse sont à l’origine de l’Oasis citadine. À la recherche d’un lieu pour accueillir leur projet, ils rencontrent Henri Colbert, propriétaire du château de Flaugergues. Le courant passe. Et le 21 avril 2018, la première ferme urbaine collaborative s’installe sur une parcelle de 8000 m2, dont 4000 m2 de vigne, prêtée à titre gracieux pour 5 ans. L’association et Henri Colbert s’unissent pour montrer qu’un autre type d’agriculture est possible, que d’autres modèles peuvent être mis en place. 

Trois ans plus tard, les résultats sont là, explique Sébastien Girault, co-fondateur de l’association. « On a prouvé qu’on pouvait avoir un modèle économique soutenable, basé sur un fonctionnement entre un jardin partagé et une ferme. Les gens qui habitent en ville deviennent membres de l’association ; ils cultivent ensemble, accompagnés par des formateurs. Toutes les productions de la ferme sont partagées entre les membres. Pas de commerce. Nous voulons que les membres vivent une superbe expérience, participent à la création d’un lieu vivant et au renforcement de la biodiversité. Le tout dans un site classé Monument historique que l’Oasis citadine contribue à faire vivre. » 

Oasis citadine : Sébastien Giraud
Oasis citadine : Sébastien Giraud ©Didier Hirsch
château de Flaugergues. : Henri Colbert
château de Flaugergues. : Henri Colbert ©Didier Hirsch

Un autre état d’esprit

Henri de Colbert et son épouse Brigitte sont installés au château de Flaugergues depuis une cinquantaine d’années. Dans ce bâtiment classé que la famille fait visiter et où elle cultive des vignes, le couple a fait logiquement une place à l’Oasis citadine. « Nous sommes engagés depuis toujours dans la défense de la biodiversité, dans l’envie de transformer ce qui nous entoure en espaces beaux et bons. Mais impossible d’y arriver si l’on ne forme pas les gens. C’est pourquoi nous avons décidé d’accueillir l’Oasis », explique Henri Colbert.

« La culture dans les jardins peut se regarder ; elle peut aussi se consommer. C’est un témoignage de ce qu’on peut faire en respectant la nature et les autres hommes qui y vivent. Le travail du jardin, c’est une école c’est pour cela que nous avons accepté de faire une place à ce projet. Il faut apprendre à ,vivre ensemble, à assurer un service à la collectivité. »

Oasis citadine
©Didier Hirsch

« Il s’agit d’un accueil gratuit alors que nous sommes en difficultés financières. Mais c’est notre choix depuis des dizaines d’années de penser collectif avant tout. Nous avons refusé de nous servir de Flaugergues comme résidence secondaire, un endroit où on débarque en avion avec des copains pour passer trois semaines au bord de la piscine. Nous avons toujours voulu exploiter le lieu dans le bon sens du terme, conserver le bon et le beau et proposer le tout aux gens qui viennent nous visiter. Au lieu d’avoir une femme de ménage pour entretenir les lieux, on a créé 25 emplois, cultivé la vigne, préservé la nature pour lui redonner son rôle fondamental. »

Permaculture à l'Oasis citadine
Permaculture à l'Oasis citadine
©Didier Hirsch

Au centre du projet : la permaculture

Le mot « permaculture » est utilisé à toutes les sauces actuellement, quitte à s’éloigner du concept. La permaculture va beaucoup plus loin que le développement durable : c’est une conception, un mode de vie, une philosophie. L’idée, c’est de recréer des écosystèmes avec l’humain au cœur. Tous ces écosystèmes permettent de s’engager sur un chemin plus résilient, vers plus d’autonomie, de se réapproprier l’environnement au bénéfice des humains. En résumé : on prend soin des hommes, de la terre et on partage équitablement les surplus.

Un lieu unique

En raison de l’étalement urbain, le château de Flaugergues a fini par se retrouver… en ville.

Le contexte est donc atypique : l’Oasis se situe à la fois dans un contexte urbain et un contexte agricole. Mais il y a aussi un inconvénient : la terre n’est pas super propice au maraîchage, car il faut cultiver sur du grès de Montpellier, un sol très caillouteux, assez lourd (parfait pour la vigne en revanche). Cultiver des fruits et des légumes dans ce type de terre, c’est un défi à relever. Mais grâce aux pratiques agroécologiques, le travail sur le sol vivant, on peut adapter de tels terrains pour les rendre mieux adaptés au maraîchage. 

Il faut donc observer, apprendre à connaître son sol, sa composition en fonction des zones.
« Impossible d’appliquer la recette du voisin, car son sol n’aura ni les mêmes caractéristiques ni les mêmes besoins. Puis il faut appliquer le principe de base : ne jamais laisser un sol à nu. Le couvrir permet de le fertiliser, de lui redonner vie et fertilité.

Si le sol est vraiment très très pauvre, ce n’est pas très compliqué de mettre en route des pratiques agroécologiques adaptées comme par exemple la mise en route de buttes en lasagnes qui vont permettre de cultiver de nombreux légumes grâce aux couches de compost, d’engrais verts… »

Butte lasagne en pratique

C’est une technique de préparation de sol qui consiste à alterner une couche de matières carbonées suivie d’une couche de matière azotée. 

Matières carbonées : toutes les matières sèches. Broyat de branches, paille, sciure et copeaux de bois, feuilles mortes sèches, foin, herbes sèches, coquilles d’œuf broyées, coques de noix, petites quantités de cendres de bois, papier et carton non imprimé…

Matières azotées : tontes de pelouse, feuilles fraîches, fleurs et plantes fanées, épluchures de fruits et de légumes, fruits et légumes abimés, marc de café, sachets de thé, plumes, restes de repas d’origine végétale…

Tout est dans la nature, il faut juste savoir s’en servir

oasis citadine : les outils
©Didier Hirsch

Les bonnes méthodes au quotidien

Désherbage et paillage 

« Il n’y a pas de mauvaises herbes, seulement des adventices, c’est-à-dire des plantes qui ont une fonction dans l’écosystème pour nourrir le sol, ou le recréer. Ce sont souvent des plantes pionnières qui ont peu de besoins. Quand on les arrache, on les laisse sur le sol et elles servent de paillage. Il s’agit d’alimenter l’invisible, cette vie du sol que nous pouvons seulement imaginer ! Et on arrache tout à la main, bien sûr. »

Engrais naturels

Les membres de l’Oasis apprennent aussi à planter ce qui fait du bien au sol et aux plantes, comme de la consoude utilisée en décoction. La bourrache, l’ortie sont également utilisées en purin. Il faut faire en sorte, avec un coup de pouce que tout s’autorégule au quotidien. Car, quand l’homme intervient, il comprend environ 10% de ce qu’il fait. Il faut donc limiter les interventions en dehors des méthodes naturelles. 

Un site intergénérationnel

Le lieu accueille tous les publics, toutes les tranches d’âge. Les plus petits viennent en famille, les retraités sont actifs et toutes les rencontres créent ce lien social si précieux. Tout le monde peut participer aux activités du jardin. Pour Sébastien Giraud, « les repas partagés, les moments conviviaux sont indispensables. On se rend compte que l’accès à la terre gomme les âges, les catégories socioprofessionnelles. Ici, tout le monde est au même niveau. Cela fait du bien de se retrouver ensemble sans faire attention à nos origines, nos différences. Personne ne se trimballe d’étiquettes et l’on se redécouvre en humains, tout simplement. »

Gérer une vigne, ça s’apprend aussi !

Les membres de l’Oasis citadine font pousser des fruits, des légumes, mais ils apprennent aussi à produire leur propre vin sur les 4000 M2. Le château de Flaugergues met à leur disposition sa cave et les compétences techniques pour apprendre à cultiver la vigne, de la taille jusqu’à la vinification. Lors des évènements forts organisés par l’association, les membres dégustent ce vin 100% syrah. 

Les différentes zones

Potager : il couvre 2000 m2. Les cultures sont traditionnelles : aubergines, roquettes, tomates en tout genre, betteraves, salades, carottes, haricots 

Forêt comestible : de nombreux fruitiers ont été plantés.

Poulailler : des poules s’égayent dans un vaste parc.

Apiculture : l’association gère des ruches et récolte son propre miel. Et les membres peuvent bien évidemment s’initier à l’apiculture. 

Serre de 6 m2 en aquaponie. Dans l’eau barbotent des écrevisses dont les déjections sont filtrées. L’eau est acheminée par une pompe jusqu’aux racines des plantes installées dans la partie supérieure. 

Comment rejoindre l’Oasis citadine

Des petites visites sont organisées le mercredi et samedi après-midi. Une façon de prendre contact avec l’association, de découvrir les différentes zones de l’Oasis citadine, le potager, la vigne, mais également les îlots de convivialité (paillote, café associatif). 

L’association compte une centaine de membres actifs qui viennent au rythme qui leur convient pour mettre les mains dans la terre et participer à tous les travaux d’entretien de la ferme. On compte également environ 400 sympathisants qui viennent bénévolement de temps en temps. 

Accueillir, former, aller plus loin

Faire vivre l’Oasis au quotidien, c’est le travail des cofondateurs et animateurs. Jean-Baptiste s’occupe de toute la partie bricolage et écoconstruction, bref de tous les aspects techniques. Maxime est référent agroécologie, il suit l’évolution du jardin, les vignes, la gestion du poulailler. David s’occupe de l’accueil, du bien-être, de la vie de la communauté…

Il est également possible de suivre des cours de yoga, shiatsu, sophrologie, qi gong… ou de participer à une activité cuisine avec le chef du restaurant du château de Flaugergues. Les membres de l’association apportent des fruits et des légumes du jardin, et apprennent à les transformer. 

Faire naître la Naturbanité

Réintroduire de la nature comestible en ville est un sacré enjeu. Ça ne se fait pas comme ça sur un claquement de doigts. L’Oasis citadine délivre des clés pour devenir autonomes, que l’on cultive 3 pieds de tomates sur un balcon ou si l’on a envie de créer un jardin potager de A à Z. « Nous voulons vraiment transmettre aux citadins les compétences et le savoir-faire pour réapprendre à cultiver et vivre d’une façon durable et résiliente. C’est à la portée de tous, tout en prenant du plaisir à relever le défi. Il ne faut rien voir comme une contrainte, mais comme un choix pour vivre mieux, mieux manger, agir pour l’environnement. » Chacun de nos gestes s’inscrit dans une démarche pour le bien de tous. 

Le château de Flaugergues, un jardin Remarquable à découvrir !  

Datant du XVIIe siècle, Flaugergues a d’abord été la propriété d’Étienne de Flaugergues, conseiller à la Cour des comptes de Montpellier. Il y a réalisé des travaux pendant presque un demi-siècle et donne son nom à cette « maison des champs ». Les jardins ont été aménagés sur 4 hectares, mais la vigne, elle, était déjà cultivée en ces lieux du temps des Romains ! 

Les jardins se divisent en 5 grands espaces (l’Oasis constitue désormais le 6e).

  • La terrasse devant le château : style classique, simple, dépouillé.
  • Le parterre sur terrasse : Brigitte et Henri de Colbert ont recréé un parterre à la française en replantant 10 000 buis.
  • La Grande Allée (dite des oliviers) : perspective de 400 m au bout de laquelle un belvédère offre une vue sur le château.
  • Le parc à l’anglaise sur 3 hectares
  • Les vignes. 

L’ensemble est labellisé Jardin Remarquable. La famille de Colbert a réalisé dernièrement 700 m de chemin carrossable qui permettent aux familles avec des poussettes, aux enfants qui font leurs premiers pas, aux gens âgés de découvrir les lieux sans aucun danger.

Brigitte et Henri de Colbert ont été rejoints dans leur travail et leur démarche par leur fils Pierre et sa femme, Marie. 

Rue Colbert
©PS3000

Colbert et Colbert

« En 2019, quadricentenaire de la naissance de Jean-Baptiste Colbert (l’un des principaux ministres de Louis XIV), j’ai cherché à comprendre comment mon ancêtre fonctionnait. Il disait pour réussir quelque chose, il faut avoir un but, des moyens, une équipe, des compétences. Colbert a créé l’Académie royale des sciences en 1666, et son rôle a été de travailler sur la botanique et ce qu’on pouvait faire des jardins. 

Dans cette Académie, quelques gars avaient obtenu un petit bout de terrain. Ils voulaient du bon vin, ils ont donc planté des vignes. Ce qui a déplu à Colbert, car ils avaient dévié du but assigné qui était de connaitre les plantes. Il a alors pris sa pelle et sa pioche pour arracher les vignes plantées et redonner la priorité à la connaissance et à l’étude de la botanique. »

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