La Sauge essaime des liens à la nature

La Sauge - équipe
©Dimitri Kalioris

La Sauge essaime du plaisir à jardiner, des liens avec la nature et une connaissance des plantes, surtout alimentaires.

Floriane Navard - La Sauge
Floriane Navard ©Isabelle Vauconsant

Lancées en 2016 par Est Ensemble, les friches urbaines TempO’ sont aujourd’hui au nombre de 9. Ces lieux atypiques proposent à des associations d’utiliser de façon innovante des friches en attendant leur aménagement. Un nouvel appel à projets s’est conclu le 6 décembre 2021 pour deux sites sur le territoire : l’ex-square Truffaut dans le quartier Haut Goulet à Noisy-le-Sec et la ferme Caillard-Dilly dans le quartier du Pont du Bondy à Bondy.

Christophe Zozine - La Sauge
Christophe Zozine ©Dimitri Kalioris

Les jeunes dont l’avenir sur ce territoire n’est pas simple ont accès à un autre imaginaire professionnel lorsque se posent les questions d’orientation.

50% des agriculteurs français atteindront l’âge de la retraite dans 5 ans

Il faut une relève soucieuse de protéger le vivant.

Il y a en France 391 000 agriculteurs en conventionnel et 47 000 en bio !

La Sauge est une association installée à Bobigny (93) dont l’ambition, joyeusement terre à terre, est d’entraîner dans son sillage des enfants, des adultes à se penser au sein du vivant. Sous un joli soleil d’hiver sur la ferme de La Prairie du Canal, nous avons rencontré Christophe Zozine, responsable du programme pédagogique et des animations pour les jeunes publics, et Floriane Navard. Elle travaille pour La Sauge depuis 4 ans.

“La Prairie du Canal, c’est notre première ferme urbaine. Nous l’avons ouverte en 2017. Pour cela, nous avons répondu à un appel à projets TempO’, mis en place par Est Ensemble. Au départ, nous avons signé un bail d’un an qui a été renouvelé depuis d’année en année. Et aujourd’hui, nous avons appris que nous allons être renouvelés pour trois ans, ce qui nous laisse plus de visibilité et donc une capacité à développer des projets plus importants.”

Christophe : “Nous pensons que si chacun jardine deux heures par semaine, c’est un bon début de réponse à la nécessité de transition écologique. Voilà pourquoi, nous implantons des fermes pédagogiques, récréatives et productives.”

Chaque ferme ouverte par La Sauge a une mission principale

Faire jardiner un maximum de personnes en ville.
“Et parce qu’on est en Seine-Saint-Denis dans un département très fortement urbanisé, mais aussi avec des difficultés économiques et sociales, c’est particulièrement important.”

Trois volets d’action

“On a une porte d’entrée très pédagogique, à la fois sur nos fermes, via des journées bénévoles, des ateliers, mais aussi en dehors de nos fermes. Nous développons des jardins partagés en cœur de ville.
On a aussi un programme pédagogique qui se déroule dans les écoles, sur le temps scolaire. Toucher les enfants dès le plus jeune âge nous semble fondamental parce que nous croyons que l’éveil démarre avec l’éducation.
Le dernier volet est culturel. Nous organisons des événements musicaux, artistiques… sur nos fermes. Et donc, des gens qui ne sont pas toujours sensibilisés à l’agriculture urbaine viennent par ce biais-là et découvrent le reste.”

Christophe : “Dans les écoles, c’est très apprécié par les enseignants pour qui c’est une sortie qui offre une bonne valeur pédagogique, physique et émotionnelle.”

Susciter des vocations ?

Floriane : “Nous créons des outils agricoles participatifs pour réintroduire la production agricole dans la société. Compte tenu de la situation actuelle, nous voulons aussi sensibiliser au métier d’agriculteur et agricultrice qui, on le sait, est fortement en crise et a besoin d’être reconsidéré. Pour cela, il est bon de l’approcher même en milieu urbain.”

Une pépinière participative à La Prairie du Canal, mais aussi dans chacune des fermes urbaines, produit de manière écologique et biologique des plants potagers, aromatiques et des petits fruitiers. Là, le public découvre les gestes, les contraintes, les bonheurs !

“Elle est participative parce qu’on inclut les bénévoles dans la production agricole, mais aussi les bénéficiaires de nos jardins partagés. Ils viennent pour acquérir de l’autonomie sur les premiers gestes de la production agricole comme le semis, le repiquage …”

Il fallait y penser !

Il y a peu de réflexion au moment de l’achat d’une plante. Nombre de personnes ont l’impression de faire une bonne action juste parce que c’est une plante. Mais, quant à savoir comment c’est produit, si celui qui l’a fait a beaucoup travaillé ou non, s’il est correctement rétribué, si la plante a été bien élevée, c’est un apprentissage.

“Et nous, on avait envie de montrer qu’il y a un impact environnemental et social dans le fait d’acheter une plante. Et c’est pour ça qu’on a mené à bien cette pépinière.” (Floriane)

La Sauge - plan
Le plan de "La Prairie du Canal" - Bobigny

La Prairie du Canal à Bobigny  : cultiver urbain

Quand on a la dalle !

Floriane : Ici, à La Prairie, on est sur une dalle de béton. Il faut imaginer, en 2017, il n’y avait vraiment rien, à part cette dalle de béton sur environ 5000 m2. Pour l’instant, nous occupons vraiment 3000 m2, mais l’année prochaine nous allons étendre les activités sur le reste de la surface.

Comme c’est une dalle de béton, il a fallu s’adapter. Finalement, il nous a semblé que c’était un bon terrain d’expérimentation. On est au cœur du milieu urbain et de ses contraintes.
Plutôt que de casser la dalle et de reconstituer un sol, on a décidé de cultiver uniquement hors sol. Nous avons constitué des échantillons variés de ce qui peut être envisageable en agriculture urbaine. Et puis, on a installé des poules et des abeilles !

Au regard de notre temporalité, un an à l’époque, c’était le seul choix raisonnable. Et somme toute, faire avec les contraintes, c’est aussi ça l’agriculture urbaine !

Christophe Zozine
©Dimitri Kalioris

À quoi ça sert l’agriculture urbaine ?

Floriane : Alors pour nous, l’agriculture urbaine, c’est vraiment une porte d’entrée sociale et pédagogique.

Ça sert à sensibiliser et à refaire du lien avec le monde agricole. On propose une médiation pour des populations déconnectées de la nature, de l’agriculture. Ce peut être parce qu’elles vivent dans des zones totalement artificialisées comme à Bobigny ou parce qu’elles ont quitté un pays où elles pratiquaient l’agriculture.

Et puis, ça nous tient à cœur de produire un peu, mais on ne défend pas l’idée qu’on va pouvoir nourrir les villes avec l’agriculture urbaine. De toute façon, il faut produire pour montrer et faire participer. Et en semant, repiquant, récoltant comme en construisant les bacs de culture, on amène à la réflexion. On discute des choix alimentaires, de ce qui est bon ou mauvais pour nous. On compare aussi ce qui coûte plus ou moins cher, et du coup comment on cuisine.”

Christophe : “C’est aussi une manière d’offrir une alternative aux produits des jardineries et à la production de masse réalisée aux Pays-Bas.”

Et voilà à quoi sert l’agriculture urbaine telle que nous la concevons : à modifier les comportements de consommation.

Des semences pour assurer l’avenir

La pépinière de la Prairie du Canal n’utilise que des semences reproductibles. Chaque année, elles sont récoltées, conservées et resemées.

L’équipe de La Sauge milite aussi beaucoup pour ce qu’on appelle la semence paysanne, c’est-à-dire la sélection de ses propres semences pour les adapter au climat et aux contraintes du milieu. “En uniformisant la production agricole, on a tué toute possibilité de résilience et d’adaptabilité des cultures au climat ; on a appauvri les agriculteurs et on les a inféodés aux grands groupes.”

Floriane : Peu à peu, nos publics le comprennent et prennent conscience de l’urgence climatique. Mais ce n’est pas facile. Pour bien saisir, il faut comprendre le contexte historique, social, scientifique. Pour bien agir, il faut aussi en avoir les moyens. Or, ce qui leur arrive le plus souvent, c’est un discours culpabilisant et parfaitement inutile. Ils sont comme les autres et parfois plus que d’autres pris dans un système auquel il est bien difficile d’échapper.

Nous, on les amène à essayer, à prendre le temps de changer. C’est pas mal !

Un public pas facile à conquérir

Le lieu est particulier. Situé un peu sur l’extérieur de la ville, il est au croisement de la nationale et du canal, assez loin du cœur de ville. Donc pour toucher les habitants et montrer qu’on existe, cela suppose un véritable effort. L’équipe en place au démarrage ne compte pas son temps et via les jardins partagés, dans la ville, en pied d’immeubles, se fait connaitre. La démarche est appréciée et éveille la curiosité, même s’il reste souvent un peu de méfiance.

La Prairie du Canal - ruches
©Dimitri Kalioris

De la graine à l’assiette, on grandit

Christophe : Notre programme pédagogique à destination des jeunes publics s’appelle De la graine à l’assiette. C’est un programme pour le cycle trois, les classes de CE1, CE2 et sixième. Il a pour but de sensibiliser les enfants aux enjeux écologiques actuels à travers la pratique du jardinage.

Et on jardine dans des jardins qui sont à l’extérieur de l’école pour que ce soit un lieu vivant et que ce ne soit pas un lieu qui reste confiné à l’école. C’est le cas à Bobigny et aussi à Pantin sur le terrain de La Cité Fertile avec laquelle nous avons un partenariat.

Floriane : Ensuite, vient le moment de mettre les mains dans la terre, c’est étonnant et c’est impressionnant parce qu’on n’a pas l’habitude de se reconnecter au vivant par les sensations. Pour certains, ça fait revenir les souvenirs d’enfance ou du pays quand pour d’autres c’est une pleine découverte. Au début, ça peut paraître un peu curieux, et, au fur et à mesure, ça devient quelque chose de  ressourçant auquel se mêle un vrai plaisir.

Le plus amusant, ce sont les enfants. Lors des premières séances, ils sont effrayés par les vers de terre et autres bestioles qu’on trouve dans le sol. Peu après, on les retrouve à patouiller dans la terre pour les retrouver.

La résilience et l’adaptabilité des publics sont là. Il suffit d’ouvrir quelques portes sans effrayer pour les entraîner.

Le public le plus rétif, ce sont les ados auxquels on a accès par le biais d’associations ou par le collège. Ils ont peu de temps, pas très envie. Il faut trouver la clé d’entrée pour atteindre leur curiosité, mais une fois que c’est fait, c’est génial ! On a commencé à développer notre programme pédagogique auprès des sixièmes du collège. Mais il faut reconnaitre que deux années de covid, ça n’aide pas !

La seule chose, c’est qu’ils ont été tellement enfermés que nos activités de plein air sonnent comme une grande bouffée d’air !

La Sauge

Fiche d’identité de La Société d’Agriculture Urbaine Généreuse et Engagée – La Sauge

En tout, La Sauge, c’est une équipe de 20 salariés, à Paris XIXe , à Bobigny et Aubervilliers en  Seine-Saint-Denis et à Nantes. À Paris, une douzaine de salariés travaillent à plein temps sur le projet. La moitié ont de compétences généralistes en structuration et gestion de projet ou en recherche de financements. “L‘autre moitié a une formation agronome parce que nous sommes avant tout une association de production agricole.”

Labels à venir

Christophe : “On travaille sur les labels. Actuellement, on a été inspectés afin d’être reconnus par les labels bio, Nature et progrès. C’est en bonne voie.”

Nature et Progrès garantit des produits alimentaires et cosmétiques
respectueux de l’environnement, des hommes et des animaux.
L’association s’appuie sur ses propres cahiers des charges
et l’engagement de ses adhérents au travers d’une charte.

Les financements de la Prairie du Canal

Floriane : Nous recevons des financements à la fois publics et privés. Et nous avons à cœur de développer un modèle économique diversifié, afin de ne pas dépendre uniquement des subventions. C’est pourquoi nous avons nos propres sources de revenus sur les fermes et avec la boutique en ligne.

Notre activité agricole avec la pépinière est rémunératrice.

Une grande partie est issue de nos activités culturelles, des ressources qu’on peut avoir via les événements à La Petite Guinguette, etc. Et puis, les cotisations des adhérents, nos activités pédagogiques et les jardins partagés contribuent à notre autonomie. On est super contents d’avoir pu y parvenir et au départ, ce n’était pas gagné sur des temporalités d’un an, peu conciliables avec le temps agricole. Aujourd’hui avec nos perspectives à trois ans, ça va être beaucoup plus confortable.

Mais bien sûr, on l’a vu avec le coup d’arrêt porté aux rencontres par le covid, il faut se diversifier. Et heureusement que les subventions nous ont permis de poursuivre.

Inscrivez-vous
pour recevoir [Brin d'info]

dans votre boîte de réception,
chaque semaine.

Nous n’envoyons pas de messages indésirables ! Lisez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.

237 Shares
Share via
Copy link