Aurélie Vannerie, c’est le nom qu’utilise Aurélie Bossu pour proposer ses objets en osier tressé. Et vannier, si ce n’est pas le plus vieux, ça semble être un des plus anciens métiers du monde au côté de tailleur de pierre. Des objets tressés, datant de la préhistoire, ont été découverts. Le plus ancien aurait été découvert à Fayum, en Égypte. Une datation au carbone 14 fait remonter son utilisation à 10 000 ans ! Mais le matériau végétal étant par nature biodégradable, peu de pièces ont résisté au temps. Elles sont retrouvées parfois en milieu anaérobie dans des tourbières ou bien dans des lieux très secs. Des traces sur des poteries sont parfois lisibles.
C’est donc un savoir-faire avec les plantes ancestral et très précieux.
Au fil de l’histoire, les méthodes évoluent quand la géographie, elle, se traduit par la multiplicité des plantes employées pour le tressage. À Paris, les statuts de la communauté professionnelle remontent à 1467.
3 grandes techniques
- la vannerie spiralée : les brins de fibres forment un toron . Cette spirale est alors cousue.
- Spécifique, car c’est une forme de tissage, on l’appelle la vannerie à nappes.
- la vannerie tressée utilise deux (ou plus) brins flexibles entrecroisés qui forment la structure et des brins pour la maintenir. Cette technique est très répandue en Europe.
Les matériaux
- Herbes, feuilles, bois, paille, ronce commune, pin, rotin, sisal, yucca, palmier, chêne, frêne, bouleau, cornouiller sanguin, viorne lançante, tilleul, maïs, crin de cheval…
- Feuilles de palmier doum au Maroc en particulier
- Osier, rotin, bambou, paille, noisetier, frêne, bouleau, cornouiller, viorne, tilleul, jonc, roseaux, canne de Provence
Peu d’outils pour la vannerie
Le couteau de vannier a un bout un peu recourbé. Quelques fendoirs de buis ou de houx sont nécessaires pour fendre les brins. Un trusquin permet d’ôter la moelle des brins. La peleuse est utile pour faire de l’osier blanc, c’est-à-dire débarrassé de son écorce. La batte finalise le tirage ou le tressage.
Les serpettes et sécateurs sont plus utiles pour la récolte. Comme c’est un vieux métier, il se contente d’outils simples.
Le bon mot
Le mot vannerie prendrait son origine dans le van des agriculteurs, un outil agricole dont les paysans se servent pour nettoyer les céréales, pour les « vanner ».
Je suis Aurélie Bossu. J’ai monté une marque qui s’appelle Aurélie Vannerie. Je tresse l’osier, pas le rotin, parce que c’est une liane exotique à la différence de l’osier qui est la pousse de l’année du saule. Il y a plusieurs variétés de saules. C’est une plante locale et c’est important pour moi sur le plan éthique. Je m’applique à produire écoresponsable. J’essaie de pratiquer ce métier de A à Z. Il se transmet essentiellement oralement et par le partage du geste. Pour bien connaître toutes les étapes, j’ai planté une petite oseraie.
C’est bien sûr insuffisant pour me fournir la matière première donc j’ai besoin pour l’année, mais ça me permet de comprendre le Vivant. J’ai ainsi appris les rythmes des saisons et les gestes de culture à accomplir.
Le saule, une espèce facile
Le saule aime les sols humides et frais, avec une exposition soleil ou mi-ombre, et assez lumineuse. On trouve généralement l’osier en bordure de fossés, à proximité des écoulements, des rus, dans des terres humides, argileuses ou tourbeuses.
Il pousse moins facilement dans un sol sableux, et n’apprécie guère les sols calcaires.
L’osier vient de la culture de petits saules . Les boutures de pousses annuelles, appelées tacots, sont plantées à la fin de l’hiver.
On récolte l’osier à partir de mi-novembre pour les variétés les plus précoces et jusqu’à fin décembre.
Le Salix purpurea, Salix alba ou le Salix viminalis sont les plus précoces, avec un début de croissance en mars. Le Salix triandra débourre mi- avril. Le Salix americana et le Salix alba, ont comme grande qualité de résister assez bien au stress hydrique.
Je travaille l’osier qui est une plante locale et jamais le rotin qui est une liane exotique. C’est un vrai choix éthique. J’ai également décidé de connaître ce métier de A à Z. Pour cela, j’ai planté une petite oseraie, insuffisante bien sûr pour l’ensemble de mon travail. Mais, cela m’a permis de bien comprendre les rythmes du vivant, les saisons et les gestes de culture qui y sont associés. Quand j’achète l’osier dont j’ai besoin, en Touraine, je sais comment il est produit.
Vannerie sauvage
À côté de cela, comme je pratique un vieux métier populaire, je fais comme autrefois, de la vannerie sauvage. Je tresse de la glycine avec laquelle je fais des couronnes. Comme la vannerie s’est pratiquée partout pendant des millénaires, on a tenté de fabriquer des objets avec de nombreuses plantes ; en fait les végétaux qu’on avait sous la main.
Vieux métier ou métier d’avenir ?
Au début du XXe siècle, 50 000 vanniers professionnels étaient encore en activité. Ils ont disparu du fait des importations massives de produits exotiques à bas prix, de l’envahissement par le plastique et du regard porté sur les métiers manuels. Il ne reste plus que 300 vanniers pro aujourd’hui. Et il y a beaucoup d’associations et de personnes qui le font pour leur loisir. Ça permet de maintenir un savoir-faire qui pourrait s’avérer utile puisque nous allons devoir nous séparer de notre dépendance aux produits issus du pétrole. Et puis, suite à la crise sanitaire, à la situation de la biodiversité et du climat, il y a aujourd’hui des gens qui recherchent des métiers qui font sens. Les métiers manuels et naturels pourraient devenir désirables. C’est une question de société.
Les osiers de la vannerie
Il existe 350 espèces de saules (Salix) avec des coloris divers du blanc crème au noir en passant par l’acajou. En vannerie, les variétés les plus utilisées sont :
- Salix Viminalis, le Saule du vannier,
- Salix Purpurea ou Saule pourpre,
- le Saule blanc, Salix alba,
- Salix Fragilis ou Saule fragile,
- le Saule noir de Villaines ou Salix Trianda.
Les osiers à tresser
- L’osier vert, fraîchement récolté est souvent utilisé pour le palissage, dans les vignes notamment, mais pas pour les paniers !
- Déshydraté pendant 2 à 3 mois, on trouve l’osier brut. Il a séché avec son écorce. On l’utilise plutôt pour de la vannerie destinée à la maison, car l’écorce s’abimerait avec les intempéries.
- L’osier buff est celui auquel on a ôté l’écorce grâce à une cuisson à l’eau bouillante. Ce sont plutôt les Tiandras et les Purpuréas qu’on retrouve ainsi. On lui reproche souvent d’être fragile.
- Écorcé également, l’osier blanc est pelé, décortiqué ou ciré (ça veut dire la même chose) avant d’être tressé. Lorsqu’il est noir, c’est qu’il a été teinté. Il peut aussi recevoir un traitement en autoclave pour allonger sa durée de vie en extérieur, sans entretien.
Être franc comme l’osier, c’est être clair, sans dissimulation !
Face à la concurrence
Je ne crains pas vraiment la concurrence des produits à bas prix qui viennent du bout du monde. Je ne crois pas que ce soit la même clientèle. Mes client.e.s sont intéressé.e.s par l’artisanat d’art, les pièces uniques et l’éthique de fabrication. Leur recherche ne porte pas sur un panier, mais sur un objet beau et durable, avec une empreinte carbone minimale. Et moi, je suis vannière. C’est un vrai savoir-faire. Ça prend du temps, le temps d’une personne, pas d’une machine. Les vanneries que je vends sont destinées à durer, ce ne sont pas des produits jetables.
Un cheminement fondamental
Je suis restée à Cholet, dans le Maine-et-Loire. Nous avons changé de maison pour avoir un atelier sur place. En revanche, j’ai vraiment changé de vie en pratiquant un vieux métier dans lequel le temps est un facteur important et qui se pratique à la maison. C’est arrivé tout doucement. Ça a été un long cheminement, sans rupture.
Dans mes activités précédentes, c’est vrai que j’étais amené à beaucoup voyager partout en Europe, à préparer et travailler en anglais ; ce n’était pas très local tout ça !
le parcours commercial
Aujourd’hui, avec peu de recul finalement, je me rends compte qu’une part non négligeable de mon temps est consacré à démarcher des points de vente, des boutiques de créateurs … Je cherche aussi des prescripteurs. Par exemple, j’ai un traiteur, qui m’a fait une commande de paniers pour y poser ses plateaux. Et puis, il y a la communication… Je me rends compte que chef d’entreprise, même d’une toute petite entreprise comme la mienne, c’est multi-casquettes ! Ça donne des journées assez longues.
Le prix de la liberté
Il faut être aussi conscient: choisir, c’est renoncer. Il faut accepter de travailler beaucoup tout en renonçant à un certain niveau de vie. Parce qu’on commence par ne rien vendre, puis, même si ça fonctionne correctement, on gagne peu d’argent dans ces métiers qui prennent du temps. Il faut donc reconfigurer son mode de vie.
l’alliance familiale
J’ai un conjoint et deux petits garçons et je peux affirmer que le soutien de la famille est très important pour faire un choix comme celui-là. Quand mon conjoint a constaté que mon métier de styliste était trop éloigné de mes valeurs et me mettait vraiment à mal, il m’a dit : vas-y ! Et il m’a offert quelques outils.
Mon parcours
J’ai fait des études d’arts appliqués et j’ai été styliste pendant 20 ans. Styliste enfant et styliste puériculture. J’ai travaillé pour de grandes marques. Donc c’est vrai que j’ai toujours été bercé par le design, l’architecture, les arts en général. J’étais en recherche de sens. J’ai découvert le métier de vannier en 2014 et je me suis installée légalement, on va dire officiellement en 2020.
Devenir vannière
Je suis allée faire une formation à la coopérative de Villaine-les-Rochers en France. Devenir professionnelle suppose des formations. Je pense qu’il faut une vraie volonté. J’ai travaillé beaucoup toute seule, parce que c’est comme ça qu’on fait sa main, en faisant, en mettant plusieurs fois le travail sur l’établi. Une association d’anciens vanniers avec une pratique de loisir près de chez moi m’a permis d’y aller tous les mercredis soir. Et là, j’ai pratiqué avec des gens qui avaient très envie de partager et de montrer leurs trucs. C’est un vieux métier rural qui demande peu de matériel et beaucoup d’astuce.
Aïe, aïe, aïe !
Au début, j’ai eu des crampes dans les pouces. Ça a été longtemps un métier d’homme parce qu’à l’époque, on faisait des malles énormes avec des montants très épais en osier. Il fallait de la force. Il faut entre trois et cinq ans pour “faire ses mains“. Je ne suis pas encore au bout de mes peines ! J’ai encore mal aux doigts.
Une démarche artistique
Disons que dans notre société, on a tendance à vouloir opposer les genres, c’est-à-dire masculin et féminin, droite, gauche, naturel, artificiel. Et moi, j’ai une démarche artistique avec laquelle j’ai vraiment envie de réconcilier le naturel et l’artificiel, le vieux pneu de karting et l’osier. J’aime l’idée de redonner de la beauté à ce produit destiné à la déchèterie qu’est le pneu usagé. Utiliser ce rebut, ça demandait la mise au point d’une technique pour pouvoir fixer l’osier sur une base en caoutchouc.
La solitude de l’atelier
C’est un moment que j’apprécie aussi. Être dans le silence et seule. C’est reposant, ressourçant et ça permet une concentration très agréable. La vannerie est un métier de patience et d’attention. Il faut respecter les cycles de la nature : l’osier, c’est la pousse de l’année !
Dans mon oseraie, je constate qu’on n’est pas le maître des horloges ! Et puis, une fois qu’il a poussé, je le coupe. Et je dois attendre 9 mois qu’il sèche pour obtenir l’osier brut. Ensuite je le mets à tremper 7 jours pour pouvoir le peler et obtenir l’osier blanc. Je ne travaille pas l’osier vivant parce que c’est trop fragile, il est cassant en séchant.
Mais pas seulement !
Pour autant, j’aime aller au contact de la clientèle et des autres artisans. Je trouve très enrichissant de collaborer avec d’autres métiers d’art. J’ai d’ailleurs une collaboration débutante avec une céramiste. Nous mettons en miroir nos contraintes techniques. Et réussir à en sortir un objet, à s’entendre artistiquement et techniquement, c’est très porteur. Je me nourris. J’apprends beaucoup parce que je suis sûre que c’est comme ça qu’on devient maître d’art.
Transmettre ce vieux métier, bien sûr !
Comme c’est un métier en partie perdu, je sais que plus tard, lorsque je serai suffisamment aguerrie, je ferai de la formation. Est-ce que ce sera à un apprenti ou dans un cadre plus institutionnel, je n’en sais rien ? Mais je suis certaine qu’il faut que ce savoir-faire perdure.