“Avec Renaissance Joigny & la Convergence des possibles, nous avons organisé la deuxième édition des États Généraux des Agricultures Alternatives. Nous avons mis autour de la table, ou plutôt des tables rondes, des gens concernés par le sujet et qui n’ont pas l’habitude de se parler. Issus de l’agriculture, du monde associatif et des collectivités, chercheurs, ils échangent.”
Éric Lenoir, paysagiste, anime les tables rondes des États Généraux des Agricultures Alternatives à Joigny. Cette ville soutient la cause agricole et l’écologie. Demain, comme aujourd’hui, nous aurons faim environ trois fois par jour. Nous devons choisir, ensemble, ce que nous voulons comme nourriture, agriculture et biodiversité. Nous sommes citadins, ruraux, jardiniers et tous concernés.
C’était le sujet de ces deux journées des 17 et 18 février 2023, à Joigny, dans l’Yonne. Le vendredi, dans le rôle du grand témoin de la journée, Camille Labro, journaliste et présidente de l’association L’école comestible, a ponctué la journée de commentaires aussi pertinents qu’incisifs. Ce qui est certain, c’est qu’on ne s’endort pas pendant les débats ! Car la grande qualité de cette réunion est de rassembler des points de vue divergents. Et de tenter de trouver des convergences ou des complémentarités. Sans renoncer à laisser s’exprimer les antagonismes !
Inspiration
Les tables rondes réunissent 6 à 7 personnes pour présenter des pratiques, des positionnements et des visions diverses, d’où la volonté de parler des agricultures.
Il s’agit pour les agriculteurs conviés de présenter des expériences et des démarches ayant fait leurs preuves et donc en mesure d’inspirer d’autres professionnels.
Ces pratiques visent à diversifier leurs revenus, leurs cultures, à transformer leurs pratiques en tenant compte de la situation écologique et des besoins alimentaires des populations. Discutent des tenants du bio, de l’agroécologie, de l’agroforesterie, de la culture sur sol vivant ou de toute autre technique.
Sortir des dogmes et des clivages, réfléchir ensemble au-delà des idées reçues pour imaginer des solutions d’avenir, tel est l’exercice proposé !
Les agricultures, des métiers, des actions
Comment repenser une production locale, qui permette à chaque citoyen de bien manger ? Et pour cela, comment tenter des jeunes avec le métier d’agriculteur ?
Clairement, il leur faudra un sol vivant, de l’eau de qualité, un air respirable pour espérer faire face aux incertitudes et aux risques liés au dérèglement climatique. Ils partagent en cela les préoccupations des jardiniers !
Et ce sont les expériences des agriculteurs d’aujourd’hui qui constituent le socle des pratiques de demain.
Et au cours de ces tables rondes, les expériences n’ont pas manqué. L’Atelier paysan, par exemple, rassemble les créations d’outils des paysans ou travaille de nouveaux outils en fonction de leur demande. Des ingénieurs co-construisent avec les utilisateurs les outils low-tech qu’ils sauront donc réparer. Et, les plans sont mis à la disposition de tous en creative commons. Plusieurs outils conviennent à une utilisation au jardin ! (article à venir)
Que faire ?
Vendredi 17 février, trois tables rondes consacrées respectivement à l’Éducation & Enseignement, l’Accès au foncier et l’Énergie ont permis d’aborder des thèmes fondamentaux tant pour le monde paysan que pour les mangeurs que nous sommes tous.
Samedi 18 février, les tables rondes se demandaient comment Alimenter le territoire, avant de se pencher sur les enjeux cruciaux de l’Eau puis d’interroger notre imagination en termes d’Innovation et adaptation.
La nécessité de prendre soin de la nature qui accueille la production de notre alimentation est un fait. Donner les moyens de vivre décemment à celles et ceux desquels dépend notre alimentation et donc notre santé en est un autre. Comme le constatait un intervenant, nous sommes co-responsables. Si nous consommons ce que les producteurs produisent et les marchands nous vendent, c’est parce que nous l’achetons qu’ils continuent à le produire.
Ce constat conduit naturellement à s’interroger sur les choix éducatifs de la société tant sur la connaissance :
- du fonctionnement de la nature
- des fruits et des légumes
- des plantes et des herbes
- de notre corps
- des éléments de notre citoyenneté
Devons-nous faire de chaque jardin un potager ? Les collectivités publiques doivent-elles planter des jardins nourriciers ? Quel rôle avons-nous individuellement et collectivement face à la nécessité de s’alimenter et de vivre dans un monde vivable ?
Toutes ces questions ont émaillé les débats. Et si, les constats peuvent rassembler, la complexité des réponses à offrir soulève des débats.
Pour comprendre comment on est arrivé là
En fin de journée, un film sorti au printemps 2022.
Tu Nourriras le Monde, un film documentaire de Floris Schruijer & Nathan Pirard. Une heure et demie pour refaire un bout d’histoire, écouter les agriculteurs et les choix d’un pays pour nous tous. On comprend bien comment ça a dérapé, pourquoi des agriculteurs ont pu se faire piéger dans une production intensive et délétère pour la planète. Le ton du film est calme, raisonnable, celui de l’enquête.
Discussions
Un contexte
Dans une petite dizaine d’années, la moitié des agriculteurs actuellement en activité seront à la retraite. Cette information-là, donnée brute, non soumise à interprétation, est en soi une question posée à notre société et à ses agricultures.
Petit historique
Nous sommes inscrits, pour notre alimentation, dans un système conçu en 1962, la Politique Agricole Commune (PAC). Les premiers objectifs étaient d’accroître la productivité agricole et de stabiliser les marchés pour garantir la sécurité des approvisionnements.
Ceci a eu pour conséquences, la mécanisation croissant, d’augmenter la taille des fermes, de faire disparaitre les haies et les bois et de tracer des rivières bien droites. Et dès 1980, l’objectif de production était atteint. Toutefois, le système s’est emballé, produisant à outrance et conduisant à l’établissement de quotas et au retour des prix aux fluctuations du marché. En 1992, la PAC choisit de soutenir directement les producteurs sur la base de la superficie ou du nombre de bêtes élevées. On parle davantage compétitivité que qualité et bien peu de nature.
On redresse à peine la barre en 2013, avec des soutiens – légers – aux petites exploitations et quelques exigences sur la durabilité des techniques.
Nous faisons face à la sixième grande extinction de masse.
30% des espèces d’insectes sont menacées d’extinction selon une étude parue dans la revue Biological Conservation. Or l’agriculture, contrairement à ce que l’usage immodéré des insecticides a pu nous faire croire, a besoin des insectes, mais aussi de toute la biodiversité animale et végétale dans laquelle elle exerce.
Ils étaient tous là pour notre plus grand plaisir
et vous en entendrez parler bientôt sur Hortus Focus !
- Camille Labro, journaliste et présidente de l’association l’école comestible, Grand Témoin du vendredi
- Maryon Chanterelle, pour le réseau Semeurs du Possible
- Aurélie Bientz, enseignante en comptabilité agricole et montage de projet au CFPPA de La Brosse (89), agricultrice dans l’Yonne (maraîchage, horticulture, produits transformés, CBD)
- Jardin des Thorains, Lavau ; membre de l’Association Française des Producteurs de Cannabinoïdes et relais du réseau Semences paysannes
- Alix Bell, responsable de la structure d’insertion Les Jardins du Côteau à Joigny (89)
- Sophie Bardot, cheffe de culture et formatrice aux Jardins du Côteau
- Agnes Delefortrie, pour l’association Les Greniers d’Abondance
- Sophie Labbé, animatrice de l’association Terre de Liens Bourgogne-Franche Comté
- Joël Sabatier, directeur départemental de la SAFER
- Patrick Frémeaux, pour Forêts et Campagne d’Avenir
- Marie-Océane Fekairi pour la coopérative L’Atelier Paysan
- Arnaud Delestre, président de la Chambre d’Agriculture de l’Yonne
- Sandie Floquet, agricultrice et fromagère, fromagerie des 13 blés
- Hugo Frederich, conserverie engagée La Jovinienne
- Christelle Garnier, paysanne bio, Ferme de la Collerie, vice-présidente de la Cocebi, administratrice Biocoop.
- Gilles Robillard, agriculteur dans l’Yonne (grandes cultures) président de Terres Inovia, direction de l’institut technique des huiles, des protéines végétales et du chanvre ; vice-président de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) de l’Yonne
- Nicolas Soret, 3e vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté en charge des finances, du développement économique, de l’économie sociale et solidaire et de l’emploi, président de la communauté de communes du Jovinien (CCJ), maire de Joigny (89)
- Lucie Liège, chargée du programme Eau-Alimentation-Territoires – CPIE Yonne et Nièvre.
- Etienne Henriot, ancien président de la Chambre d’Agriculture de l’Yonne.
- Jean Massé, agriculteur à la retraite dans l’Yonne, maire de Saints-en-Puisaye
- Sylvie Beltrami, présidente de l’ADENY
- Claude Grosset, actif au sein des associations, C3V, Convergence Des Possibles, administrateur de la coopérative Germinal, dans l’Yonne
- Anne-Sophie Ballard, écologue, association Le Ruban Vert
- Claire Tuttenuit, présidente de l’association Le Ruban Vert, Villeneuve-sur-Yonne
- Christian Deschamps, Agriculteur (Polyculture-élevage) et maire d’Egriselles-le-Bocage (89)
- Arnaud Rousselat , agriculteur expérimentateur dans l’Yonne (grandes cultures)
- EARL du Bourg Sud, Valravillon
- Vincent Lefèvre, agriculteur dans l’Yonne (grandes cultures) et ingénieur agronome spécialiste des blés anciens
- Hugues Barrey, Jardinier-éleveur dans l’Yonne (Bovins)
- Eric Lenoir, paysagiste et pépiniériste dans l’Yonne, membre de la collégiale de Renaissance Joigny délégué à l’organisation et à l’animation des États Généraux de l’Agriculture Alternative
- Lucie Petit, de la Coop Dijon-Céréales de Côte-d’Or qui parlera d’un projet de gros méthaniseur
- Pierre Detain également de la Coop Dijon-Céréales de Côte-d’Or qui parlera des pilotes de PV (panneaux agro-voltaïques) qu’il conduit et qui permettent de produire de l’énergie PV en grande culture.