Clématites – Les conseils d’une pro

Marie-Laure Rauline a repris avec son frère, Benoît, l’entreprise familiale Javoy en 2010. Leur pépinière installée à côté d’Orléans est spécialisée dans la production de clématites et plantes grimpantes. Javoy est aujourd’hui la première unité de production de clématites de France.

Marie-Laure Rauline - Hortus Focus
©Isabelle Morand

Hortus Focus : peut-on dire que tu es née dans les clématites ?

Marie-Laure Rauline (Javoy) : oui !!! On peut vraiment le dire. J’ai grandi dans la pépinière créée par mes parents, Nicole et Pierre Javoy. Sincèrement, en étant enfant, les clématites ne m’intéressaient pas plus que cela, je voyais surtout en elles celles qui occupaient beaucoup mes parents. J’ai fait des études d’ingénieur agro, sans volonté de travailler dans l’entreprise familiale. Et puis, la vie m’a amenée à intégrer la société avec mon frère, Benoît. C’est vraiment à ce moment-là que j’ai découvert l’univers des clématites au point d’en tomber amoureuse. Et je sais maintenant que je n’aurai sans doute pas assez de toute ma vie pour les connaître toutes.

Qu’est-ce qui a fini par te séduire chez les clématites ?

Quand je suis arrivée à la pépinière, j’avais l’impression de déjà très bien les connaître. En commençant à discuter, à échanger avec des passionnés, je me suis vite rendue compte que je n’y connaissais vraiment rien du tout. Ma curiosité a été piquée et j’ai vraiment commencé à m’y intéresser. Et maintenant, je suis totalement dans la marmite !

Clématite 'Rüütel' - Hortus Focus
Clématite 'Rüütel' ©Isabelle Morand

L’univers des clématites est-il si vaste que cela ?

Oh oui ! C’est un univers immense. Entre les espèces, les variétés, les croisements, on arrive à un recensement de 5000 clématites environ !

C’est un genre présent sur tous les continents et chaque année, on en découvre de nouvelles dans des contrées plus ou moins reculées. Et puis, ce qu’ignorent encore beaucoup de jardiniers, c’est que les clématites ne sont pas toutes grimpantes. Elles peuvent  pousser dans des rochers, faire 1 ou 2 cm de haut ou former de gigantesques lianes. Le portrait type de la clématite, genre grande fleur et plein de couleurs différentes, une floraison au printemps et une petite remontée en automne, c’est beaucoup trop restrictif !

©Isabelle Morand
©Isabelle Morand
clématites les conseils d'une pro
C. tangutica 'Golden Tiara' ©Isabelle Morand

Existe-t-il des clématites à floraison hivernale ?

Oui et on propose de plus en plus de ces « clématites de Noël ». Les C. cirrhosa sont des plantes originaires du bassin méditerranéen qui fleurissent entre novembre et février et passent bien nos étés, y compris quand ils sont chauds et secs.

Pourquoi dit-on souvent des clématites que ce sont des belles capricieuses ?

Je crois que beaucoup de jardiniers ne se renseignent pas assez sur les clématites qu’ils achètent. Si on les choisit bien, si l’on cerne bien leur usage, si l’on pose les bonnes questions au vendeur, c’est ensuite un jeu d’enfant pour les réussir. Ce sont des plantes qui restent encore souvent mystérieuses parce qu’elles ont un comportement assez étonnant, surtout pour les jardiniers débutants. Ils les achètent en fleurs au printemps, ils les plantent, elles deviennent marron et franchement moches après avoir fleuri ; ils les croient mortes, ils pensent avoir raté la plantation.

clématites - les conseils d'une pro
'Christmas Surprise' ©Javoy

Mais non ! La plupart du temps, les clients ignorent qu’après sa floraison, la clématite a besoin de se reposer. Elle ne fleurit plus, mais va se consacrer à son enracinement.

clématites - les conseils d'une pro
Enlever le feuillage moche ©Isabelle Morand
clématites - les conseils d'une pro
Tailler la clématite ©Isabelle Morand

Est-il possible d’imaginer avoir des clématites dans son jardin à longueur d’année ?

Absolument ! Si on se débrouille bien, on peut avoir des clématites en fleurs toute l’année en jouant avec les espèces et les variétés.

On démarre avec les « clématites de Noël » dont j’ai parlé plus haut. Après ces C. cirrhosa, arrivent les clématites d’Armand, parfumées (C. armandii) février-début mars. Puis viennent les clématites du groupe montana qui font d’innombrables fleurs roses. Les hybrides à grandes fleurs prennent le relais en avril, mai et juin.

Que faire alors quand une clématite passe au marron moche ?

Il ne faut surtout pas l’arracher, elle est bien vivante ! Il faut lui mettre un bon arrosoir tous les 10 à 15 jours. On peut aussi tailler son feuillage moche. Elle va prendre le temps de s’installer dans l’été avant d’offrir une nouvelle floraison à l’automne. Comme nous, elle a besoin de vacances et elle aime bien qu’on lui fiche la paix jusqu’à l’automne. Le conseil est valable que la clématite soit en pleine terre ou en pot.

'The Vagabond' ©Isabelle Morand
'The Vagabond' ©Isabelle Morand
clématites - les conseils du pro
'Nelly Moser' ©Isabelle Morand

Ce sont celles-ci que les jardiniers connaissent le mieux. En été éclosent les C. viticella, à petites fleurs, très rustiques, et les C. integrifolia, des herbacées, qui fleurissent tout l’été. En septembre, on assiste à la remontée des hybrides à grandes fleurs, celles qu’on aura taillées après la floraison printanière. À l’automne, enfin, c’est le tour des C. orientalis, très vigoureuses, originaires du Tibet, à toutes petites clochettes. Après leur floraison, ces clématites orientales font des pompons très décoratifs. Et l’année est bouclée !

Les formes des fleurs sont-elles également très diverses ?

La diversité est assez incroyable. La nature est très créative… Après, intervient le travail de l’homme qui travaille pour obtenir des variétés remarquables par leurs fleurs, leur vigueur, la période de floraison ou le port. On croise les variétés pour obtenir des plantes élégantes ou plus faciles à vivre. Au printemps, les fleurs sont souvent plates et de diamètre impressionnant, entre 6 et 15 cm. Les clématites du Texas (C. texensis) font des clochettes super mignonnes en été…

Les clématites grimpent-elles toutes seules ?

Non, il faut leur donner un support pour les aider à grimper. Si on ne les guide pas, elles courent sur le sol et font d’ailleurs un bon couvre-sol. Ce que j’aime, cc’est les planter dans les massifs, dans des buissons. Elles vont se débrouiller pour grimper vers la lumière. Pendant des semaines, on ne les voit pas, mais elles sont parties à la conquête de tel ou tel support, discrètement. Et puis, quand arrive le moment de la floraison, les fleurs surgissent ici et là, et parfois même à des endroits où on ne les attend pas. Surprise, surprise !

Jardin des Martels
©Isabelle Morand.

Les clématites sont-elles des plantes gourmandes en engrais ?

Je dis toujours la clématite, elle est comme moi : c’est une bonne vivante qui aime boire et manger ! Donc, c’est important de lui donner à manger. Plus elle aura à manger au niveau de ses racines, plus elle vous fera de jolies fleurs. Donc il est important de lui apporter une fertilisation organique en hiver, quel que soit le moment de l’hiver. Personnellement, j’utilise du guano, mais on peut apporter du sang séché aussi. Mon conseil tout de même , c’est de fertiliser de préférence au mois de février, avant qu’elle ne redémarre. Éventuellement, si la clématite n’a pas beaucoup poussé, il est possible de faire un second apport d’engrais au mois de juin pour les hybrides à grandes fleurs.

Faut-il les arroser beaucoup ?

Il ne faut pas les arroser tous les jours, surtout pas. C’est comme pour toutes les plantes… Elles ne doivent pas, en pleine terre, être habituées à recevoir de l’eau tous les jours. Je conseille de mettre beaucoup d’eau (un arrosoir de 10 ou 15 L) en une seule fois tous les 10 ou 15 jours. Il faut l’habituer à aller chercher en profondeur l’eau dont elle a besoin.

Les clématites se marient-elles bien entre elles ?

Généralement, elles s’entendent bien entre elles, elles sont plutôt copines. Pour le moment, je n’ai pas eu de mauvaise expérience au jardin. Mais il faut tout de même faire attention, car certaines ont une végétation exubérante et d’autres beaucoup moins. Si l’une prend le pas sur l’autre, taillez celle qui mange l’espace de sa voisine pour permettre à la plus petite de pousser.

On dit qu’en pleine terre, il faut les planter à l’horizontale pour favoriser l’émission de racines. C’est vrai pour toutes ?

Moi, j’ai toujours trouvé ça casse-pieds de les planter ainsi. Et il y a un risque de casser les branches quand elles sont jeunes surtout si on les plante avec les tuteurs en bambou avec lesquels elles sont vendues. Effectivement, quand on plante à l’horizontale, la clématite va faire des racines à partir des branches enterrées. La plante redémarre effectivement vite et bien. Pour ma part, dans mon jardin, je fais autrement… Quand je plante une clématite, je fais un trou profond de façon à avoir environ 8 cm de branches enterrées. Ça permet d’avoir le même effet qu’une plantation horizontale, la clématite redémarre très bien et c’est un bon moyen de ne pas la blesser ou de casser de branches.

Quelles sont les clématites que tu recommandes pour une plantation en pot sur un balcon ou une terrasse ?

Il faut choisir des espèces et des variétés qui offrent une bonne rusticité, une excellente capacité à résister au sec et au chaud. La Clematis integrifolia a ces qualités. J’aime beaucoup la variété ‘Arabella’, bien vigoureuse. Elle fait plein de petites fleurs bleues qu’on peut aussi intégrer à des bouquets pour la maison. J’aime énormément aussi ‘Sugar Sweet’ qui, de plus, est parfumée. Enfin, les C. texensis se comportent très bien en pot ; elles sont élégantes et pas envahissantes. ‘Gravetye Beauty’, ‘Duchess of Albany’, ‘Princesse Diana’ offrent des clochettes élégantes, vraiment mignonnes tout l’été. Ce sont des variétés bien adaptées à une culture en pot, car elles résistent bien au chaud et au sec.

clématites - les conseils d'une pro
'Gravetye Beauty' ©Javoy
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C. armandii ©Isabelle Morand

Existe-t-il beaucoup de clématites parfumées ?

Il en existe peu. On connaît bien le parfum de C. armandii. Je pense aussi à C. flammula ‘Aromatica’ dont les fleurs estivales sentent l’amande. Et je reviens à ‘Sugar Sweet’ qui sent, selon le nez de chacun, le miel ou la fleur d’acacia. Le parfum est un enjeu, un axe de recherche comme peut l’être aussi la rusticité. Mais il existe de clématites dans la nature qu’on arrivera bien à trouver du parfum !

Comment bien planter une clématite en pot ?

Le plus important, c’est déjà de choisir un contenant haut. La clématite est une plante qui aime aller profondément dans le sol. Donc, oubliez les pots ou les jardinières de 15 ou 20 cm de haut. Elles ne s’y plairont pas du tout, vous échouerez à les faire pousser. Mieux vaut les installer dans un pot de minimum 30 cm de haut, l’idéal étant 50 cm de haut. Il faut que le pot soit percé au fond, l’eau d’arrosage doit pouvoir s’évacuer. Pas de racines qui barbotent ! Ajoutez une bonne couche de drainage dans le fond du pot, c’est important aussi.

Clématites les conseils d'une pro
'Niobe' ©Mindstyle

Tu travailles avec ton frère, Benoît. Qui s’occupe de quoi à la pépinière ?

Benoît est un passionné de plantes et de production. Il a un immense plaisir à multiplier les clématites, c’est lui qui s’occupe de toute la « nurserie » avec toute notre équipe qui va faire en sorte que ces toutes petites boutures racinées puissent devenir de jolies plantes qui reprendront vite et bien au jardin ou en pot.

Combien de temps faut-il avant qu’une clématite arrive à la vente ?

Les boutures sont faites chaque année, au printemps, entre les mois d’avril et de juin. Entre la bouture et la mise en vente, il s’écoule en général deux ans. Le délai peut être raccourci à 18 mois, mais nous préférons travailler nos clématites pendant deux ans avant de les mettre en vente. C’est long, mais ce sont des plantes ! On ne peut pas les obtenir en claquant des doigts. Il faut les faire naitre, les tailler, leur redonner à manger, recommencer à les tailler, les guider sur les tuteurs, etc.

Quelles sont les autres productions de la pépinière ?

Les clématites représentent environ 40 % de la production de notre pépinière. Nous avons une grande gamme de plantes grimpantes, car c’est là aussi un univers très large et diversifié. Nous produisons donc des chèvrefeuilles, des jasmins, des glycines, des vignes, des kiwis, des mûriers, des bignones, des wattakakas (Dregea sinensis), de l’holboellia, des akébias

©Altitude tropicale
©Altitude tropicale

On travaille sur des plantes rustiques qu’on va arriver à conserver sans chauffer les serres en hiver. Il existe énormément de plantes grimpantes d’origine tropicale et nous ne pouvons pas les cultiver. Si vous prenez les passiflores, un grand nombre ne peut pas être cultivé chez nous. Beaucoup sont frileuses. Comme on ne chauffe pas, on ne les cultive pas.

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