Grâce au jardin, le projet du curé de Dreux

grace au jardin
Grâce au jardin

Jean-Marie Lioult, prêtre, ancien curé de Dreux, est à la tête d’un grand projet : la mise en place, sur 7 hectares et demi, à Tremblay-les-Villages, de jardins solidaires, d’insertion, pédagogiques. « Grâce au jardin » est soutenu par une association, des acteurs locaux, la grande agglomération de Dreux. 

Hortus Focus : comment vous est venue l’idée de « Grâce au jardin » ?

Père Jean-Marie Lioult : pendant le premier confinement, j’ai eu du temps pour réfléchir à mon envie de vivre quelque chose de différent. Et l’idée est vraiment née en retravaillant « Laudato si », un texte du pape François sur l’écologie intégrale. En relisant ce texte, je me suis dit qu’il fallait vraiment agir. Il ne faut pas rester sur des paroles. La transition écologique, c’est prendre soin de la planète évidemment, mais c’est aussi prendre soin des gens et du vivant. Il faut être acteur, actif.

Pendant le premier confinement, j’ai rencontré des personnes qui m’ont aidé à structurer cette idée-là. 

Le jardinage, le maraîchage vous sont-ils des domaines familiers ?

Je retrouve ma vocation première pour l’agriculture. Après avoir passé un bac scientifique, j’ai passé un bac agricole, puis un BTS horticulture et paysage. J’ai toujours vibré avec la terre, la culture. Il faut dire aussi qu’à Dreux, nous avons un habitant pas banal, remarquable : Cyril Dion, le réalisateur du film « Demain ». Je l’ai vu en avant-première à Dreux. Ce film m’a profondément touché et m’a sans doute beaucoup motivé aussi pour monter « Grâce au jardin ». Nous devons absolument cultiver notre nourriture et cultiver au plus proche des gens. 

Grâce au jardin
©Isabelle Morand

Vous parlez d’écologie intégrale… Que voulez-vous dire ?

Si je devais en donner une définition rapide, c’est vraiment prendre soin de tout le vivant. Quand on parle d’écologie intégrale, il faut arrêter de parler seulement de la nature. Le risque est, en effet, de considérer que la nature est le substrat sur lequel l’humain peut se développer. Ce n’est pas du tout cela !

Quand je rencontre des élèves de quatrième dans un établissement scolaire à Dreux, nous parlons écologie. Je pose dans chaque classe la même question : quelle est la relation entre la nature et l’être humain ? Un seul élève, un seul, m’a répondu : l’être humain fait partie de la nature. Donc, au lieu de parler de la nature, mieux vaut parler de tous les êtres créés dont fait partie l’être humain. Du coup, l’écologie intégrale, c’est de prendre soin de tout. Tout est lié, et c’est ce que le pape dit dans « Laudato si ».

Comment avez-vous obtenu ce grand terrain à Tremblay-les-Villages ?

J’aimerais avant tout expliquer ce qu’est Tremblay-les-Villages… C’est une commune assez particulière, car voilà une cinquantaine d’années, Tremblay-les-Villages a été constitué en réunissant six villages. Martial Taugourdeau, président du Conseil Général, a eu l’idée de réunir ces villages en une seule commune. Ensemble, on est toujours plus forts. Je crois vraiment que les villages vont plus souvent se rassembler pour faire ensemble.

Avant même de présenter mon projet à mon évêque – qui est mon patron ! – j’ai rencontré Christelle Minard, mairesse de Tremblay-les-Villages. Elle a tout de suite été enthousiasmée par le projet et je dois dire que cela m’a donné des ailes ! Mon évêque a également été convaincu par l’intérêt du projet. Dans la foulée, nous avons fait une réunion avec Mme Minard, des représentants d’associations locales et de la grande agglomération de Dreux. Et ce terrain nous a été proposé.

Grâce au jardin
©Isabelle Morand

Vous mettez en avant le lien social ?

Oui, absolument ! C’est vraiment dans l’ADN de « Grâce au jardin ». Travailler avec d’autres, créer du lien social, c’est l’un de nos objectifs. Surtout à une époque où l’on a tendance à se replier un peu sur soi…

Que va-t-il se passer dans les prochaines semaines ?

En octobre est prévu le creusement de la mare. Puis, en novembre, les premières plantations de la forêt comestible. On ne peut pas s’installer d’un coup d’un seul sur 7 hectares ! L’idée est donc de commencer à planter sur un demi-hectare. Ensuite, nous espérons installer rapidement les serres à leur endroit définitif. Pas question de s’amuser à les déplacer… Et premières plantations maraîchères au prochain printemps et ouverture du jardin de proximité avec les Restos du Cœur.

Pourquoi parlez-vous de sol vivant et pas de permaculture ?

Je trouve que le mot permaculture est un peu galvaudé. Souvent dans la tête des gens, ce mot est réduit au fait de faire des buttes. Comme si la permaculture est une technique de culture. Non, c’est beaucoup plus que cela, c’est aussi prendre soin de gens. Alors je préfère parler de sol vivant. Je n’ai pas envie qu’on soit enfermé dans une technique.

Quels sont les aspects pédagogiques de « Grâce au jardin » ?

La dimension pédagogique est pour moi absolument fondamentale. Nous allons aider les personnes à se former à ce type de culture pour qu’elles puissent la reproduire chez elles. Il y a aussi un aspect formation. Nous travaillons avec un partenaire précieux, le Lycée d’enseignement agricole de Nermont, qui est implanté à Nogent-le-Rotrou et à Châteaudun. Les élèves et leurs professeurs mettent en route, dès octobre, une pépinière dans laquelle ils vont bouturer des espèces qui rejoindront notre forêt comestible. Depuis la rentrée, ils sont partis en quête de branches d’arbres à bouturer, de graines à semer pour nous aider à planter notre forêt. L’an prochain, ils viendront planter tout ce qu’ils auront fait pousser dans leur pépinière.

Cette dimension pédagogique est également présente évidemment dans le cadre du chantier d’insertion. Nous allons former les personnes pendant leurs 6 mois de présence. Il s’agit avant tout d’apprendre un métier tout en retrouvant du lien social.

La diversité de Grâce au jardin

Le jardin de proximité : en partenariat avec Les Restos du cœur. L’encadrement est assuré par des bénévoles des Restos. Des adhérents viendront travailler bénévolement dans ce jardin et récolteront leurs légumes. Toutes les récoltes en excédent seront données aux Restos qui les distribueront aux personnes nécessiteuses. 

Le jardin-chantier d’insertion : le projet est mené par l’association G.R.A.C.E.S (Gestion Regroupement Administration Contrat Emploi Solidarité), qui existe depuis longtemps sur Dreux et qui est spécialisée dans l’insertion. Ce sera leur premier chantier d’insertion professionnelle, mais ils n’hésitent pas à s’embarquer dans l’aventure. Nous allons accueillir une vingtaine de personnes maximums qui travailleront ici 24 heures par semaine, pour une durée de 6 mois. 

L’espace test : il accueillera un jeune maraîcher ou maraîchère. Le recrutement est en cours. Son portrait idéal ? Une femme ou un homme soucieux de travailler avec les autres, dans l’esprit de « Grâce au jardin ». Il ou elle ne travaillera pas tout seul dans son coin, et devra être formé(e) au maraîchage en sol vivant. « Et s’il est sympathique en plus, ça sera parfait ! » 

DirectPotager
©coco

Le jardin expérimental : le père Lioult s’occupera particulièrement de cet espace qui accueillera notamment une forêt comestible. « C’est un retour aux traditions, puisque, oui, la forêt peut nous nourrir. » Cette forêt va s’étendre sur environ 2 hectares. Elle sera constituée de 500 espèces différentes, des grands arbres aux plantations. Uniquement des espèces qui nourrissent l’homme par leur feuillage, leur écorce, leurs fruits ou leurs racines. « Elle va également servir de brise-vent aux cultures qui seront situées de l’autre côté. »

Les serres : leur implantation est prévue. Pour 1 hectare de culture maraîchère, il faut 10% de serres soit 1000 m2. Donc l’espace test (maraîchage) sera équipé de 1000 m2 de serres, le chantier d’insertion et le jardin expérimental bénéficieront également des leurs.

Forêt comestible
©Isabelle Vauconsant

L’Eure-et-Loir au cœur

« J’ai toujours habité en Eure-et-Loir. Je suis prêtre depuis trente ans et j’ai été curé dans plusieurs endroits du département. Un prêtre est responsable d’une paroisse, ce que j’ai été pendant 11 ans à Dreux.  Très souvent dans la tête des gens, un prêtre est forcément curé, c’est-à-dire responsable d’une paroisse. Mais les prêtres ne sont pas forcément des curés et ils vivent d’autres choses. Il y a des prêtres emblématiques comme Guy Gilbert, il n’est pas responsable d’une paroisse, cela ne l’empêche pas d’être prêtre ! »

De l’eau, de l’eau !

Pas de jardin ni de ferme sans eau ! Dans la partie la plus basse du champ, le creusement d’une mare permettra d’alimenter les jardins en eau. Deux sourciers sont venus sur zone pour repérer le meilleur lieu pour installer le puits (forage à une trentaine de mètres).

Une association en marche

Thierry Loyer est membre de l’association “Grâce au jardin” depuis le début. Avec d’autres bénévoles et le père Lioult, il est parti à la chasse aux ressources financières. « Des dons ont déjà été effectués par des donateurs privés. Nous comptons aussi sur le soutien de plusieurs entreprises. Nous faisons des démarches pour obtenir des subventions dans de cadre des projets qui ont trait à l’économie locale et solidaire. Nous avons aussi lancé une cagnotte sur Miimosa. Les outils de communication sont prêts et on peut nous suivre sur Facebook aussi. Tout ceci nous permet d’acheter les premiers équipements. »

Chacun peut se rendre sur le site grace-au-jardin.fr pour faire un don financier (déductible des impôts). Les dons des entreprises sont également les bienvenus évidemment ! Nous sommes aussi preneurs d’outils de toutes sortes. 

Et de toutes les bonnes volontés aussi ! “Notre équipe de bénévoles peut encore être renforcée. On a toujours besoin de bras et de compétences de toutes sortes. Si vous avez des compétences agronomiques, si vous êtes bricoleur, si vous êtes retraité et avez un peu de temps à offrir, n’hésitez pas !” 

grâce au jardin
©Isabelle Morand

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