Aude Haelewyn-Desmoulins a une voix enjouée et pleine d’enthousiasme lorsqu’elle évoque son travail au sein de Parrot World, à Crécy-la-Chapelle, en Seine-et-Marne. Elle est responsable Science, Éducation et Conservation. Des missions qu’elle estime très cohérentes et passionnantes “puisqu’ il y a tout le travail sur le bien-être des animaux, le suivi de leur vie et la recherche scientifique.”
“J’aime l’idée de transmettre et de sensibiliser nos visiteurs à la protection de l’environnement et des espèces animales par l’émerveillement et l’animation ludique. Bien entendu, le contenu est fondé scientifiquement et repose sur ce qui est le pilier du parc Parrot World : la conservation des espèces.
Hortus Focus : Quelle est l’histoire de ce parc ?
ADH : C’est une histoire originale. Éric Vignot, son fondateur, a passé 35 ans dans l’industrie pharmaceutique. Au début des années 2000, il s’éprend des perroquets et conçoit une vraie passion pour eux. Il découvre à quel point ces animaux sont un objet de trafic malgré les interdictions dans les différents pays d’Amérique du Sud où ils vivent. À la retraite, il décide de consacrer son temps à leur préservation. Ne sachant par où commencer, il s’intéresse à ceux qui ont été adoptés en France. Il constate que les propriétaires sont peu au fait des habitudes sociales des perroquets. Il fonde Parrot Wildlife Foundation et construit une volière immense destinée à ces amateurs de perroquets. Ils peuvent, en s’inscrivant, venir avec leurs animaux et offrir un temps de sociabilité tant aux oiseaux qu’aux humains. Ça a été le début du parc.
HF : De quel environnement les perroquets ont-ils besoin ?
AHD : Ce sont des animaux difficiles lorsqu’ils sont coupés de leurs congénères. Leur santé mentale en est affectée. Ils manifestent leurs difficultés psychologiques par des troubles du comportement. C’est pourquoi la grande volière est vraiment un espace qui les aide. Les propriétaires réservent leurs visites comme on le ferait pour un cours de tennis. Et certains ont tant sympathisé qu’ils se donnent rendez-vous d’une fois sur l’autre. Les perroquets, outre la possibilité de se rencontrer, bénéficient d’un espace pour voler qu’ils n’ont jamais dans les cages des particuliers.
Puis, la fondation s’est ouverte sur la préservation des oiseaux dans leur milieu naturel en Amérique du Sud. Là, les braconniers ignorent toutes les lois et fournissent des oiseaux sauvages au trafic lucratif qui s’exerce.
HF : Que pouvez-vous faire pour les oiseaux sauvages ?
AHD : La fondation soutient financièrement et techniquement les associations locales de sauvegarde de psittacidés, qui travaillent à la préservation des écosystèmes et des oiseaux. L’Amérique du Sud a été au départ du travail et, désormais, la fondation intervient également en Afrique. Toutefois, de nombreux animaux sont capturés et meurent durant le transport ou par la suite, de stress et de maladies.
Par ailleurs, le développement d’une agriculture intensive et agrochimique détruit les habitats et les ressources alimentaires des oiseaux.
Mais la première des choses à faire, c’est de décourager l’adoption des oiseaux sauvages. Nous avons ouvert une volière refuge pour les perroquets que leurs propriétaires ne veulent pas garder. On a été très sollicité pour recueillir des perroquets gris africains dont les gens ne peuvent plus s’occuper, qui perdent leurs plumes… Alors ils demandent : est-ce que vous pouvez l’accueillir ? Plus de 110 perroquets gris sont ainsi arrivés chez nous sur les 5 années d’existence du parc.
Les animaux en voie d’extinction doivent être préservés chez eux. C’est une énorme responsabilité que de décider de déraciner un animal sauvage pour l’enfermer chez soi.
Que sont les psittacidés ?
Les Psittaciformes sont un ordre d’oiseaux tropicaux qui regroupe près de 400 espèces plus connues sous les noms de perroquets, perruches, loris ou conures ! Ces espèces aux couleurs chatoyantes et à l’intelligence reconnue occupent une pluralité d’habitats sur l’ensemble des continents de l’hémisphère sud, à l’exception de l’Antarctique. Mais près d’une espèce de perroquet sur trois est menacée de disparition à l’échelle du globe, une proportion inégalée dans toutes les autres grandes familles d’oiseaux.
HF : En quoi Parrot World vous aide-t-il à convaincre ?
AHD : Nous installons nos visiteurs dans un bain émotionnel et sensoriel grâce aux animaux. Qu’ils soient petits ou grands, les humains sont sensibles. Nous avons choisi face au bouleversement climatique et à l’effondrement de la biodiversité de ne pas tenir un discours effrayant ni culpabilisant.
Nous restons sur des discours positifs : ce dont les animaux ont besoin et comment ils aiment vivre. Immergés dans une ambiance joyeuse et esthétiquement émouvante, nos publics repartent avec l’envie d’agir, chacune et chacun selon ses capacités.
Ce n’est que lorsque les esprits sont ouverts que nous rappelons à quel point les espèces sont menacées, et combien notre rôle à tous est primordial.
HF : Décrivez-nous le parc ?
AHD : Actuellement 8 hectares sont aménagés, mais nous pouvons nous étendre sur 50 ha, donc nous n’avons pas fini ! Dans ce qui est ouvert aujourd’hui, nous organisons de nombreuses activités pour le public, mais aussi pour les scolaires et les étudiants. Ils peuvent rencontrer nos soigneurs. Nous parlons réglementation européenne, et aussi des espèces exotiques qui posent problème une fois installées sur un espace naturel sans prédateurs. La tortue de Floride, l’écrevisse américaine ou le vison d’Amérique ont ainsi décimé des espèces locales après s’être échappés de fermes d’élevage.
Ce qui est compliqué à expliquer, c’est que la préservation des espèces est importante même si on ne les voit pas au quotidien. C’est plus facile de parler des perruches à collier qui envahissent l’Île-de-France et ont un impact non négligeable sur les écosystèmes.
On développe donc des activités dans lesquelles nous parlons de nos choix de vie et de consommation. Nous expliquons les dégâts de l’huile de palme. Et aussi ceux que crée la diffusion de photos d’animaux sauvages sur les réseaux sociaux. Ces photos mettent des espèces à la mode et donnent du travail aux braconniers !
Comme on a introduit la visite par une explication de ce que signifie le mot biodiversité, on leur donne les outils. Ils peuvent comprendre les enjeux de la conservation et de la préservation pendant la balade.
HF : N’y a-t-il que des perroquets à Parrot World ?
AHD : Non, nous avons de magnifiques petits singes, une famille de tamarins, des jaguars, des piranhas, des caïmans, et aussi des blattes géantes. C’est une espèce dite détritivore. Son concours au cycle de la matière est très important et nous passons du temps à l’expliquer. Nous avons aussi des petites grenouilles, des loutres géantes et des reptiles…