Entre 2019 et 2021, la première édition de La Forêt monumentale a eu lieu en Forêt Verte. Elle s’étendait sur les communes de Bois-Guillaume, Mont-Saint-Aignan et Houppeville, près de Rouen. Depuis le 29 juin 2024, la seconde édition de ce parcours artistique temporaire est visible dans la forêt domaniale de Roumare, à Canteleu. Treize œuvres ont été créées suite à un appel à projets, sous le regard attentif de la curatrice et architecte espagnole Cristina Algarra.
La forêt monumentale : un projet artistique au cœur de la forêt de Roumare (métropole de Rouen)
Les forêts françaises gagnent en superficie et contribuent à la qualité de vie des citadins. Les urbains prennent le temps d’une promenade à la découverte d’une flore spontanée et remarquable, entretenue par l’ONF. Consciente de la richesse de ses forêts d’exception, la métropole de Rouen, en collaboration avec l’ONF, s’est engagée depuis 2018 dans un projet d’un parcours d’œuvres en plein air qui prennent place pendant deux ans. Depuis juin 2015, le label « Forêt d’Exception » ® a été attribué aux trois forêts domaniales périurbaines de Rouen, Roumare, La Londe-Rouvray et Verte. Ce label a été renouvelé en 2022.
L’enjeu de préserver l’écosystème
L’ONF est partie prenante de ce projet d’exposition en plein air. Il accompagne la métropole pour repérer dans quel site les œuvres peuvent être implantées sans dénaturer la forêt. Car certaines parcelles sont laissées en ilots de vieillissement. Au bout de deux ans, les œuvres doivent être démontées par les artistes… Ils expliquent notamment leur choix de réemploi de leur projet, dans leur dossier de candidature. Dans la même veine de préservation et de respect des lieux, leurs œuvres sont, pour la plupart, réalisées sur le principe de structures légères. Une fois démontées, plus aucune trace de leur installation ne doit être visible afin de laisser la forêt se régénérer.
Des œuvres praticables, pour des expériences méditatives et ludiques
Au début du parcours de la forêt monumentale, See saw de l’architecte tchèque Jan Tyrpekl se découvre. Un grand tronc d’arbre maintenu par des câbles d’acier laisse apparaître une forme à la structure étrange. Cette œuvre d’une longueur de 20 mètres s’apparente à une balançoire que les plus téméraires oseront pratiquer. Notons que le bois qui la constitue a été rapporté d’un site à proximité.
Un monde
Plus loin, au milieu d’arbres, Les chaumes, créées par l’atelier YokYok sont semblables à des cabanes sorties d’un monde imaginaire. Réalisées en bois, bambou, corde végétale et chaume normand récupéré d’un chantier, celles-ci invitent à s’y lover, à s’y cacher et à faire corps avec la nature.
Le tout
Poursuivons notre chemin et un gland à l’échelle d’une cabane attire notre attention.
Le monde dans un gland est l’œuvre de Linfeng Zhou. L’architecte et designer a pensé cette œuvre comme une architecture dans laquelle pénétrer pour méditer. À l’intérieur, l’organisation des tuiles du toit reprend une suite de Fibonacci et rappelle les motifs géométriques présents dans la nature.
Écoutez !
Continuons de nous émerveiller et d’apprécier l’atmosphère sonore de La forêt monumentale et arrêtons-nous face à Une rivière sonore du possible de Will Menter. Expérimentons les sons produits par des planches de chêne. L’installation dessine un cheminement de pièces en bois suspendues, qui peuvent provoquer un rythme sonore en fonction de l’interaction des visiteurs et de la force du vent.
À la fin du parcours, Le géant de Thomas Dambo surprend. L’artiste a conçu un village à l’échelle des enfants. Tout est en matériaux récupérés et recyclés, grâce à un partenariat avec une déchèterie locale. Des nichoirs y sont intégrés. On y circule comme dans un rêve ou dans un milieu enchanteur. Petits et grands y passent un moment joyeux, insouciant, à s’évader du quotidien.
Révéler l’écosystème forestier
La forêt inspire les artistes. Ils et elles créent des œuvres porteuses d’un message et révélatrices de l’écosystème de ce milieu, touché par le changement climatique. L’attrape-brume de Mathilde Caylou se fond presque parmi les arbres. L’artiste a judicieusement choisi de l’installer dans un site humide. Les gouttes de verre fixées sur un réseau en acier captent la lumière.
Selon les mouvements du vent, celles-ci s’entrechoquent et produisent un léger son, tel un signal d’un manque d’eau, d’un stress hydrique que ressentent les arbres.
Respecter les écosystèmes
D’une tout autre facture, un volume géométrique contraste au cœur du couvert forestier. Complivium, comme son nom l’indique, a pour usage de recueillir l’eau en son centre. Les architectes du studio P + S Estudio de Arquitetectura ont conçu cette œuvre avec des matériaux biosourcés. Ainsi, l’œuvre habite la forêt en respectant sa biodiversité, le sol… Un partenariat a d’ailleurs été mené avec l’usine locale de tissage du Ronchay (située à Luneray). On y découvre le système ingénieux, à l’image du principe utilisé dans les atriums romains en y pénétrant.
Animaux et présences au cœur du massif forestier
Comme surgit des profondeurs de la forêt, un troupeau d’animaux semblables à des sangliers sont réalisés à partir de bois, de branches torsadées et de poils de saule. Si ces neuf sculptures d’Ewa Dabrowska suscitent notre imagination, rappellent des scènes de contes de fées, celles-ci évoquent également la faune locale à respecter et avec laquelle nous devons apprendre à cohabiter. Plus loin, une famille d’autres créatures, tels d’étranges chameaux, inventés par Jan Sajdak, nécessitent de rester à distance pour préserver la biodiversité locale. L’un se fond d’ailleurs dans la végétation qui se régénère.
L’artiste privilégie la mise à distance afin de suggérer aux visiteurs de prendre conscience de son impact sur les chemins forestiers et de prêter attention aux premières pousses encore fragiles.
Embrasser la canopée
Continuons notre chemin… Un personnage à échelle 1 se découvre à travers les feuillages. Peu à peu se lit l’installation A ladder to Heaven créée par le studio d’architectes espagnoles Bayona Studio (Xevi Bayono et Cristina Montero). Nous nous projetons à la place de ce personnage féminin qui embrasse du regard la totalité de la forêt depuis une échelle très haute. Un autre personnage l’accompagne, plus bas. En appui contre un arbre, cette œuvre relève d’une véritable prouesse technique.
Jeux de regard, de couleurs et de lumière
La Cathédrale de vert d’Olivier Thomas rappelle les parallèles qui existent entre les cathédrales et les forêts depuis des années. Sur cette œuvre réalisée en bois, du jasmin va croître peu à peu, se développer jusqu’à la recouvrir… Dans les mois à venir, peut-être que cette architecture sera d’autant plus en lien avec le milieu qui l’accueille. Entrons dans cette œuvre et prenons le temps de méditer sur la beauté des forêts à préserver. Les cathédrales, lieux de patrimoines religieux, sont aussi des repères, des passages obligés pour les touristes qui s’arrêtent à Rouen. La forêt deviendra pour les habitants un lieu où ils pourront se créer leurs propres repères, retrouver le calme et la sérénité.
Chromos
C’est la relation entre milieu forestier et cathédrale majestueuse qui a inspiré le collectif Boa Mistura. De loin, un rythme chromatique attire l’attention. Nous suivons du regard des nuances de couleurs appliquées sur les troncs d’arbres. L’œuvre créée par des étudiants de l’école d’art laisse l’impression d’une anamorphose. Là encore, les profondeurs de la forêt nous attirent même si l’on doit rester sur les chemins balisés pour préserver l’équilibre de l’écosystème forestier.
Origine
Vers la fin de cette promenade artistique, l’œuvre cinétique Origine a été conçue par le collectif Les Plastiqueurs (Fabrice Depesrois et Pauline Thebault). Cette sculpture ovoïde, constituée de panneaux composites d’aluminium, reflète le paysage. Les rayons lumineux provoquent des miroitements qui vous arrêtent. Ils vous engagent à la prise de conscience de la diversité des espèces végétales et arborées qui habitent cette forêt.
Les œuvres de « La forêt monumentale » proposent une expérience à la fois esthétique et méditative. Ressentez les sons, les variations de lumière, et regardez les espèces végétales au plus près ! Promenez-vous en forêt et vivez une expérience propice à un moment de reliance avec les arbres. Ces êtres vivants nous survivront ; ces géants gardent en eux la mémoire des différents passages de promeneurs.