Pistils et étamines sont notre avenir !

Pistils et étamines sont notre avenir et celui des pollinisateurs
Photo de James Pritchett sur Unsplash

Point de fleurs, point de pistils et d’étamines, point de nectar, point d’avenir pour l’humanité sur terre ! Nous manquons de fleurs et de forêts, dit Yves Darricau dans la conférence qu’il a donné à Tauzia à l’occasion de la signature de son livre Des arbres pour le futur

De la fleur à l’assiette, il y a la vie.

“Nous manquons de fleurs et de forêts et de diversité végétale un peu partout et en particulier dans les régions de vignes et de grande culture. Et lorsque nous voyons des forêts, leur diversité est également très pauvre.”

L’agriculture utilitaire et productiviste a créé des paysages vides. En laissant toute la place à la seule culture à vendre, elle a réduit nos paysages mais aussi les zones habitables et les ressources alimentaires de tous les autres vivants.

Les jardiniers n’ont pas toujours été très cléments non plus. Nombre d’entre eux ont renoncé à la biodiversité du jardin au profit du seul gazon tondu ras chaque semaine. Il ne s’agit pas là d’un jugement moral ou esthétique mais la biodiversité se meurt !

Notre avenir par Yves Darricau
©Dimitri Kalioris

À l’origine est la fleur

Sans abeilles… et plus largement sans pollinisateurs…
Sans insectes.
Et sans oiseaux… et sans… humains…

Sans les fleurs, pas de nectar et pas de pollinisateurs ! Sans pollinisateurs, nos assiettes resteront vides.
Les fleurs sont un point de départ pour relancer et étoffer la biodiversité. Nous sommes au printemps, alors, n’hésitez pas une seconde !

Parc Naturel du Morvan

Pistils et étamines toute l’année

Les pollinisateurs ont la faiblesse de manger toute l’année et pas seulement au printemps. Or, le dérèglement du climat tend à bouleverser les floraisons et à en réduire globalement la durée. La ressource alimentaire des pollinisateurs est pléthorique pendant quelques semaines puis devient trop rare. Il est donc particulièrement important de prendre conseil auprès des pépiniéristes et de choisir des variétés dont les floraisons s’échelonnent de janvier à décembre.

Paysages agricoles ou jardins, il est important de diversifier et de complexifier les paysages pour rendre vie à ce qui disparait sous nos yeux quotidiennement dans un silence assourdissant : les insectes. Sans insectes, les oiseaux ne peuvent pas survivre. Car les oiseaux ont besoin des insectes et de fruits toute l’année aussi.

L’UICN fait elle état d’une menace de disparition concernant 32% des oiseaux nicheurs de France. Et, selon le président de la LPO, Allain Bougrain-Dubourg, “le constat est clair, c’est un déclin alarmant, et pour certaines espèces une véritable hécatombe que l’on observe”.

L’instabilité climatique, les amplitudes thermiques et des précipitations vont engendrer un changement de flore, sans que nous ayons le temps pour une évolution naturelle.

Un mouvement des espèces du sud vers le nord, notre avenir !

Chaque degré de réchauffement fait remonter les espèces de 200 km vers le nord, explique Yves Darricau. Ce qui remonte le plus vite, naturellement, ce sont les espèces qui se ressèment facilement toutes seules. Pour les arbres, le problème est plus complexe. Les modifications de climat qui se produisaient sur plusieurs siècles et permettaient aux arbres de suivre les évolutions, les mettent à mal. Ils ne sont pas équipés pour déménager sur quelques années.

“Il est impératif de planter des arbres du sud au nord”

Et Yves Darricau de citer le sapin d’Andalousie, “un rescapé climatique” qui pousse à 1500 m d’altitude… Désormais, cet arbre n’a plus que quelques sommets capables de l’accueillir. La sécheresse a entrainé la raréfaction de ses lieux de vie.

Dans le Gers, des pépiniéristes ont décidé de lui sauver la vie en le replantant en assez grande quantité. L’intervention humaine qui a contribué à créer un monde inhabitable aux arbres doit donc les aider à s’implanter là où la vie leur sera possible.

Abies pinsapo
©ivusakzkrabice
Magnolia en fleurs pour l'avenir des pollinisateurs
©nataliyaschmidt

Une relation intime entre fleur et insecte

La plupart des plantes ont besoin de pollinisateurs pour se reproduire. Et même si certaines comptent sur le vent ou l’eau, leurs copains les insectes sont de vrais alliés.  Qu’ils soient abeilles, bourdons, fourmis, papillons ou mouches, les insectes pollinisateurs assurent le transport du pollen de 80 % des plantes à fleurs. Ils assurent l’efficacité de la reproduction à grande échelle. Voilà pourquoi leur disparition est une catastrophe.

L’autre catastrophe, c’est qu’on connait mal les mécanismes et que si un grain de pollen est très riches en sucres, protéines et acides aminés, un seul pollen ne suffit à alimenter un insecte. Il lui en faut trois différents. On voit bien le rapport avec la biodiversité et la durée de multiples floraisons sur un espace accessible par un insecte.

Bien sûr, les insectes font des réserves pour passer l’hiver, d’où la nécessité de leur offrir la meilleure alimentation possible le plus tard possible dans la saison. Bien nourri, il sera en meilleure santé et donc capable de survivre aux intempéries.

Un insecte qui récolte une seule espèce de pollen est dit monolectique, quelques espèces ou davantage oligolectique ou polylectique. Nombre d’insectes ont besoin de plusieurs pollens pour leur équilibre alimentaire.

L’instabilité du climat désynchronise les insectes et les fleurs

Si les floraisons sont instables, les relations entre insectes et végétaux sont de fait perturbées. Leurs horloges biologiques installées depuis des siècles peuvent se désynchroniser.

Fleurs de tilleul
©Milosz

Aujourd’hui que constate t-on ?

Pour Yves Darricau, nous manquons d’arbres et tout particulièrement d’arbres à floraisons très précoces et d’autres à floraisons très tardives.

“Il faut développer une plus grande curiosité dans la recherche des plantes”. Les pépiniéristes sont les meilleurs vecteurs de cette curiosité puisque c’est à la fois leur métier et leur passion.

“Par exemple, nous devons replanter des saules et des osiers qui supportent à la fois le froid (-25/-30 °C) et l’humidité, dans nos zones les plus humides. Et, en cherchant un peu dans cette famille, on trouve Salix aegyptiaca ou Saule de Perse, dont les chatons printaniers ont un parfum de miel adoré des abeilles !”

“Je ne saurais trop recommander la plantation de variétés diverses de romarins qui permettent des floraisons sur presque douze mois de l’année. Choisissez aussi d’installer un Edgeworthia chrysantha ou edgeworthie à fleurs d’or. C’est un arbuste à floraison hivernale en février/mars, très parfumée, particulièrement remarquable avec ses pompons de petites fleurs en cônes, blanc et jaunes.”

Les insectes sont de véritables ingénieurs de nos écosystèmes.
INRAE

Pollen et ovule

Chez les plantes à fleurs (appelées angiospermes), le pollen présent sur les étamines contient les gamètes mâles. Le pistil, lui, renferme les gamètes femelles (les ovules). La fécondation a lieu quand le pollen est déposé sur le pistil d’une plante de la même espèce et y pénètre.

Avenir : pollinisation du mahonia
©Christening

Colin Fontaine, biologiste, chercheur en écologie au CNRS et au Muséum national d’Histoire naturelle
Texte issu du MNHN

Les fleurs, un moteur de l’évolution

Les premières plantes à fleurs sont apparues il y a 140 millions d’années, sous le règne des dinosaures. Elles ont alors initié une véritable révolution autour de leur relation avec les insectes et les champignons qui poussent au niveau de leurs racines. Elles ont façonné le paysage, donnant naissance aux forêts tropicales humides et aux prairies. Mais aussi nourrit quantité de petits mammifères… dont les ancêtres d’Homo sapiens.

Avenir : pollinisation du pêcher
©Leonid_Eremeychuk

Du sol à la cime des arbres

Aujourd’hui, 90 % des plantes terrestres sont des plantes à fleurs, qui jouent un rôle prépondérant dans l’écosystème terrestre. Parce qu’elles sont capables de produire de la matière organique à partir de matière minérale, elles sont à la base de la plupart des chaînes alimentaires. Leurs tissus nourrissent les herbivores, leurs fruits et leurs graines sont l’aliment principal des oiseaux, de nombreux mammifères, des chauves-souris, etc. Les insectes, leurs alliés, sont ingérés par quantité d’amphibiens, de reptiles, d’oiseaux…

…les fleurs gouvernent le climat

Les plantes à fleurs influencent aussi le climat ! Elles possèdent en effet une capacité supérieure aux autres plantes pour pomper l’eau du sol et l’exhaler par leurs feuilles. Ce faisant, elles participent à l’établissement d’un climat plus humide dans les zones de forêts tropicales.

“Parmi les érables, pensez à Acer opalus, originaire du bassin méditerranéen est un petit arbre trapu, qu’on aime pour la couleur automnale de ses feuilles d’obier et la coloration opale de leurs samares. Sa résistance au gel et à la sécheresse en fait un bel incontournable !

Et si vous pensez à planter un tilleul, pensez à Tilia henryana et sa floraison de fin d’été. Pour nourrir les insectes au cœur de l’hiver offrez-leur un mahonia,…”

Avenir de la forêt
©Isabelle Vauconsant

Forêts plantées et monocultures forestières

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, les forêts plantées représentent aujourd’hui 294 millions d’hectares à l’échelle mondiale (7 % de la surface forestière). Elles sont en constante augmentation (+171 millions d’hectares depuis 1990). Les forêts de plantation dédiées à la production industrielle de bois représentent plus de la moitié.

Ces plantations sont majoritairement monospécifiques, des monocultures, établies à partir d’un nombre limité d’essences (eucalyptus, pins, épicéa, peuplier, hévéa, teck), souvent exotiques ; la gestion extensive est généralement la règle.

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