6 juin 2023. Alors que l’urgence climatique résonne à nos oreilles sur toutes les ondes ; qu’elle s’affiche dans nos écrans pour nous dire à quel point nous devons en être préoccupés, les Parcs et Jardins se mobilisent. Ils se sont rassemblés en colloque autour de la vitale question de la gestion de l’eau.
Prendre conscience des enjeux
Deux tables rondes ont réuni des intervenants politiques, institutionnels et du monde des parcs et jardins.
Bruno Delavenne, Président du CPFJ, a défini les divers rôles des parcs et jardins : créations artistiques, espaces verts, lieux de détente et de cohésion sociale, terrains de jeu et de sport, îlots de fraîcheur, etc.
Pas d’eau, pas de jardin
Ces espaces ne peuvent exister sans eau et sont fragilisés par le changement climatique autant que par la perte de biodiversité. La succession de sécheresses, dont la plus grave date de 2022 et pourrait être suivie d’un grand nombre, a rendu les sols et les plantes plus vulnérables.
L’eau, amie et ennemie
Pour Jean Launay, président du Comité national de l’eau (CNE), l’eau est un sujet central. Elle peut cruellement manquer en période de canicule. Elle peut tout détruire lorsque, trop abondante, elle inonde les terres asséchées. Il est donc urgent de “mettre en place des systèmes d’arrosage plus économes, [avoir] conscience de la baisse du niveau d’eau des puits, rivières et fleuves, conscience qu’il ne peut y avoir de parcs et de jardins sans eau, et conscience que si au terme de la loi fondatrice sur l’eau de 1964, il ressort que l’eau paye l’eau, il est aussi vrai que l’eau paye la biodiversité ».
« L’eau est essentielle et doit être considérée dès lors comme un bien commun »
Agathe Euzen,
directrice du Programme et Équipement Prioritaire de Recherche (PEPR)
Exploratoire OneWater-Eau Bien Commun,
responsable de la Cellule Eau du CNRS
et directrice adjointe de l’Institut Écologie et Environnement de l’organisme (INEE).
L’eau : bien commun et patrimoine
Dans les parcs et jardins, l’eau doit être partagée avec les communes et les citoyens, comme bien commun. Mais sa mise en scène peut être patrimoniale comme c’est le cas dans le jardin d’eau du Domaine de Courances. Les fontaines et leurs jeux d’eau, les bassins et cascades contribuent à la fraîcheur et au charme des compositions. L’eau appelle une expérience physique du Vivant ; elle devient partenaire des architectures comme du végétal. Elle vient réveiller nos sens.
Les parcs et jardins face au changement climatique
Les parcs et jardins sont apparus comme des espaces précieux au cours du premier confinement en 2020. Respirer, s’y sentir libre, retrouver des instants de paix ou de mouvement, autant d’activités qui sont devenues vitales. Ce regain de considération pour une nature domestiquée en a valorisé la conservation, voire le développement.
De ce fait, la question de la gestion de l’eau dans un monde où, manifestement, elle se raréfie se pose. L’enjeu est de « partager cette ressource qui appartient au patrimoine commun de la Nation », confirme Martin Gutton, directeur général de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne.
Pierre Louault, sénateur d’Indre-et-Loire et conseiller municipal du village de Chédigny, a mis en avant la source d’inspiration qu’est ce premier village-jardin labellisé « Jardin remarquable ».
Cette initiative répondait à l’idée de « redonner la rue aux habitants » en proposant des espaces de végétation et des noyaux humides directement en centre-ville, pour réduire la température lors des périodes de canicule. Pour faire face à cela, le village souhaite alimenter son système d’irrigation avec les eaux issues de la station d’épuration. Ce sont des eaux dites “propres”, mais non potables.
Plus de 40 000 millions de m³ d’eaux usées sont traités chaque année au sein de l’UE.
En France, 0,6% seulement, contre une moyenne de 2%, des eaux traitées est réutilisé.
Pourtant, le potentiel est important (8,4 milliards de mètres cubes produits chaque année en France métropolitaine), selon le Cerema. En 2022, l’Espagne, elle, a réutilisé 400 hectomètres cubes d’eau. Cette pratique est infiniment moins énergivore que le dessalement dont on entend également parler.
Le poids des mots
L’expression « espaces verts » exprime une attente sous-jacente de pelouses vertes, gourmandes en eau. Emmanuelle Héran privilégie les termes « espaces végétalisés » plus neutres.
conservatrice en chef et responsable de la collection des jardins au Musée du Louvre
Les spécificités des jardins historiques
Le classement d’un jardin accroit les contraintes dans l’adaptation au dérèglement climatique. Il est en effet interdit de dénaturer l’œuvre initiale. Toutefois, pour ce qui est de la gestion de l’eau, l’utilisation des eaux de sites non conventionnelles dans les bassins ou pour les brumisateurs est une piste. Par ailleurs l’évolution des jardins vers la sobriété dans l’usage de la ressource doit être une constante. Comme l’a souligné Raphaël Gastebois, chargé de la conservation architecturale du Château de Versailles, “la conservation, c’est l’adaptation !“
Les pelouses et gazons, un problème majeur
Pour mémoire, si une pelouse rassemble plusieurs variétés de plantes herbacées, le gazon lui est monospécifique. Or la part des dépenses économiques et hydrauliques pour l’entretien du gazon est considérable dans la gestion des parcs et jardins. La pelouse et la canicule ne sont pas incompatibles, constatent les spécialistes pour peu qu’elle soit installée sur un sol carboné depuis quelques années. Dans ces conditions, elle ne consomme pas trop d’eau.
La question du sol est complètement liée à celle de la gestion de l’eau.
Il est important de connaître le type de sol : sableux, limoneux, calcaire, argileux. Car, si une terre argileuse retient l’eau, une terre sableuse la laisse passer. L’augmentation de carbone dans le sol contribue à une meilleure rétention d’eau.
En conclusion
Les parcs et jardins prennent à bras-le-corps les enjeux de gestion de l’eau. Leur adaptation aux dérèglements du climat sera garante de leur conservation et ils en sont très conscients. C’est une bonne nouvelle !